4. 1. Fantômes et rivalités

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Partie 1

Pendant que ses amis s’occupaient de fouiller la bibliothèque de l’alchimiste, Tao avait entrepris de faire de même avec son espace de travail – ou autrement dit, la table où le Français laissait ses fioles colorées. Il les inspectait, une à une, dans un ordre aléatoire, avec méticulosité et patience. Peut-être Ambrosius avait-il laissé un quelconque indice dans l’une d’elles. Il fallait toujours s’attendre à l’inimaginable avec cet individu. Le naacal l’avait appris à ses dépens. Il lui avait accordé l’intégralité de sa confiance, une confiance aveugle, et avait douté et remis en cause les paroles de Mendoza à maintes reprises, sans jamais douter de la sincérité de l’alchimiste. Il s’était véritablement attaché à lui, le considérant comme étant la seule réelle figure paternelle qu’il avait connue jusqu’à lors. Il l’avait admiré et lui avait voué un respect implacable et une profonde affection, respect et affection que personne avant lui n’avait obtenues, pas même Mendoza. Ambrosius était le seul qui semblait réellement le comprendre et l’estimer, étant lui-même un savant, et, à chaque fois qu’il le félicitait ou semblait être fier de lui et de ce qu’il accomplissait, un feu d’artifice prenait vie dans le ventre du jeune garçon.

Cependant, la réalité avait bien vite ébranlé, puis tué le rêve et le bonheur factice dans lesquels il vivait. Elle l’avait frappé de plein fouet, et avait détruit toutes les idéalisations et les convictions présentes dans son esprit. Le choc passé, la colère s’était répandue à toute allure dans ses veines, et il avait – involontairement – blessé les seules personnes qui étaient avec lui : ses amis. Il s’était singulièrement énervé contre le capitaine, lui reprochant inconsciemment de lui avoir ouvert les yeux et révélé la vérité. Parce que oui, il aurait préféré qu’il le laisse vivre dans le mensonge, il aurait préféré rester endormi, et ne jamais avoir à être extirpé de son rêve. Il aurait préféré garder les yeux fermés, et ne jamais avoir à les ouvrir pour affronter l’amère vérité.

Un mensonge bien fait vaut parfois mieux qu'une méchante vérité. Mais un mensonge révélé peut heurter davantage qu’une triste vérité.

Cette machine – et plus précisément, cette pièce – regorgeait de souvenirs aussi agréables que douloureux. Tao se revoyait en train de discuter avec l’alchimiste, revoyait les sourires qu’ils avaient échangés et revoyait la manière dont ce dernier lui avait répété à plusieurs reprises qu’ils étaient similaires. Mais tout n’était que mensonge, ce n’était qu’une illusion, et c’était cette vérité même qui l’avait anéanti, et qui continuait de lui ronger le cœur.

Refusant de céder à toute forme de tristesse dont l’origine était liée au Français, Tao ravala les larmes qui perlaient aux coins de ses yeux sombres, et reposa la fiole qu’il tenait dans sa main droite sur le grand meuble en bois. Son regard s'attarda sur un morceau de papier griffonné, situé juste en dessous de la table. Intrigué, il posa un genou au sol et s’empara de la feuille. Après s’être redressé, le jeune garçon fronça les sourcils et entama sa lecture.

Coupant court à toutes ses réflexions, les voix familières et enjouées de ses deux meilleurs amis retentirent :

– Tao ! Tao ! Tao !

Leurs cris arrachèrent au naacal un soubresaut. Avant même qu’il n'ait le temps d’esquisser le moindre mouvement, les élus se plantèrent devant lui, radieux. Au vu des expressions qu’ils abordaient, Tao pouvait d’ores et déjà prédire que ce qu’ils s'apprêtaient à lui annoncer allait l’égayer. Enfin une bonne nouvelle, songea-t-il alors, les yeux rivés sur ses amis.

– Nous l’avons trouvé ! s’exclama Esteban, tout sourire, les bras levés en l’air.

– Quoi ? Qui ? Où ? s'enquit le garçon à la tunique jaune, confus.

Les Mystérieuses Cités d'Or - Saison 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant