9. Désillusions

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- Mais...

Mendoza s'inclina légèrement, sourire aux lèvres, l'épée de la fille du Docteur à la main. Ses yeux noirs reflétaient sincérité, douceur et respect. Il était également sûr que Laguerra pouvait y déceler une certaine malice.

- Il y a de la place... à bord du Grand Condor.

Avec moi.

Décontenancée, l'escrimeuse demeura silencieuse, interdite, face à cette proposition surprenante. Patient, le capitaine étudiait son visage, en passant par la finesse de ses traits, les taches parsemant ses joues roses, s'arrêtant pour admirer sa chevelure soyeuse et brillante, et terminer par ses lèvres de rubis et ses iris ensorceleurs. Lumineux et sombres, à la fois. Énigmatiques et déconcertants, à l'image de sa personne toute entière.

Quelques secondes plus tard, Laguerra, un sourire étirant ses lèvres carminées et pulpeuses, empoigna son arme. Une fois remise à sa place, elle détourna le regard, contemplant le plan d'eau qui s'offrait à eux. Le soleil brillait haut dans le ciel, femmes et hommes s'activaient autour d'eux et l'air humide du désert épousait leurs silhouettes respectives. Les enfants n'étaient pas loin, et le capitaine touchait, pour la première fois de sa vie, à un plaisir nouveau. Un bonheur qui lui appartenait. Un sentiment personnel et complet.

Sans jamais quitter la señorita des yeux, le beau stratège reprit la parole, brisant le mutisme dans lequel Laguerra semblait s'être plongée :

- Dois-je interpréter votre silence comme un refus catégorique ?

Son ton était badin. Une lueur de défi, où perçaient néanmoins sérieux et incertitude, faisait briller les billes noires de Mendoza.

Son ancienne adversaire, ses dents mordillant le bas de sa bouche, tourna une expression légèrement surprise vers lui. Elle semblait plus jeune, plus apaisée, et cette vue suffisait à attendrir l'Espagnol. Après quelques secondes de silence, durant lesquelles Mendoza nourrissait un sentiment d'appréhension désagréable, elle répondit d'une voix claire :

- Je ne pense pas l'avoir mérité.

Marquant une nouvelle pause dans leur échange, Laguerra replaça une mèche de cheveux derrière son oreille ornée de bijoux en or. Geste qui plaisait étrangement à l'ancien marin. Lui faisant à présent face, elle reprit :

- Et je n'ai pas pour habitude de prendre ou même te prétendre à ce qui ne me revient pas de droit. J'aime posséder le fruit de mes efforts, le résultat de mon travail achevé. Mon père m'a enseigné maintes choses utiles et véridiques, et cette règle là en fait partie : ne recevoir et profiter que des choses que je mérite, señor Mendoza.

- Laguerra, soupira-t-il en se rapprochant d'elle, leurs jambes à quelques centimètres du bassin d'eau.

Instinctivement, elle fit un petit pas en arrière, prise au dépourvu. Elle planta ses prunelles dans les siennes, le visage plus doux, diverses émotions contradictoires enveloppant son corps, ses traits et son ton.

- Vous êtes un homme d'honneur, Mendoza. Un adversaire tout à fait honorable et votre cœur est bon et pur. Mais vos seconds et les enfants ne pensent vraisemblablement pas comme vous, ce qui est compréhensible.

Les sourcils froncés, il la considéra un instant, les bras ballants. Faisant abstraction du fait que la soie de sa voix provoquait la vibration de son organisme, Mendoza esquissa un demi-sourire, un sourcil haussé. Il s'avança une nouvelle fois et, sans lui laisser le temps de réagir, tendit la main pour caler deux mèches de la duelliste derrière son oreille. Geste qui sembla dérouter Laguerra dont les lèvres s'étaient entrouvertes.

Les Mystérieuses Cités d'Or - Saison 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant