"Chute"

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Froid. Fatigue. Je redressai la tête, tentant tant bien que mal de visualiser la ligne d'horizon. Rien. Il n'y a que le noir cette fois-ci, et ce n'est pas rassurant, quelque chose ne va pas. Que devrai-je faire ? Ai-je peur ? Ce n'est peut-être qu'une impression, mais mon coeur frémit dans ma poitrine, et cette dernière est tellement serrée ! Ici aussi je souffre, ici aussi je ne peux pas être libre et débarrassé de cette foutue maladie ! Ce n'est pas de la peur, non, si je dois mourir, que je crève. Non, je ne comprends même plus ce qu'il s'est passé. Une crise ? Oui, sans aucun doute, mais quand ? Où ? Et que suis-je devenu ? S'inquiète-t-on pour moi ? Et mes parents ? Sont-ils au courant ? Je ne sais pas, si je l'ai su, je ne m'en souviens plus. Ma mémoire est floue et le temps passe lentement ici, tellement lentement. Il fait froid, si froid, et je n'ai rien à me mettre sur le dos. C'est un peu comme si je me trouvais sous la neige sans porter de manteau. Je frissonne, mes bras, mes jambes, elles sont livides. Je n'ai jamais été comme ça. Je ne me suis jamais senti aussi mal, que se passe-t-il ?

Est-ce la fin ? Vais-je mourir ? Je n'aurai sans doute pas la réponse. Je ne me rends pas compte de ce qu'il se passe, je suis peut-être déjà mort. Des hypothèses disent que l'on ne se rend pas compte de l'heure fatale, on ne sait jamais que l'on ne se réveillera jamais, on se dit que l'on est dans un mauvais rêve. Je n'ai jamais pu en témoigner, mes crises n'ont jamais été aussi graves, bien qu'elles aient à de nombreuses reprises manquées de me tuer. La mort... Aujourd'hui, j'hésite à en parler, alors qu'il y a quelques mois, j'aurai pu la regarder en face facilement, lui cracher au visage qu'elle peut bien m'emmener avec elle. Maintenant, je ne sais plus... Est-ce que je dois mourir ? Est-ce que je veux mourir ? J'aurai sans doute dû répondre par un oui où par un non mais je n'ai pas la réponse. C'est une hésitation qui me prend à la gorge. J'ai des amis, une famille, une vie que j'aime, un avenir que je peux choisir... Mais elle est là, toujours présente pour me rappeler que je n'aurai sans doute jamais d'avenir, que mon existence est compté et qu'un jour, plus jeune que les autres, je m'éteindrai. Comment profiter ? Comment aimer et apprécier une vie dont on ne maîtrise rien ? Comment ne pas avoir de doutes ? Et, au final, comment ne pas accepter le fait que l'on va mourir ? Il ne faut pas l'accepter, c'est un piège et je suis tombé en plein dedans. Parce que lorsque l'on se résout à mourir, on ne voit plus le bien autour de soi, on ne voit plus le mal que l'on cause aux autres et on s'en inflige soi-même. J'ai arrêté de croire à la chance, à l'espoir intime que je puisse m'en sortir et je me retrouve aujourd'hui à douter, alors que je n'ai plus aucune chance de m'en sortir vivant. C'est terrible, désolant, affligeant, tous les mots sont bons pour décrire ce que je ressens et ma situation actuelle. Pourtant, je ne parviens pas à sortir du piège et je perds pieds alors que tous ceux autour de moi tentent de me tirer vers le haut. Il y a les autres aussi, ceux qui ne me connaissent pas mais qui essayent tout et n'importe quoi dans le seul but que je m'en tire. Pourquoi font-ils ça ? D'où leur viennent cette motivation à garder en vie des gens qu'ils ne connaissent pas ? J'ai besoin que l'on m'explique, mais personne ne me répond et je les hais. Je les déteste parce que je ne les comprends pas. Je ne comprends ces espoirs qui pétillent dans leur yeux, leur peines lorsqu'ils deviennent inutiles, leur tristesses lorsqu'un patient s'en va pour ne jamais revenir.

Je me sens si seul, c'est bien la première fois depuis de nombreuses années. J'ai toujours été poursuivi ici et là par ma famille et mes amis, voulant toujours m'occuper dans quelques situations que ce soit. Ici, personne ne m'entend, personne ne me parle, je n'entends personne. Il n'y a que ce noir lugubre. Plus d'horizon, cette fois-ci, je suis enfermé. Mais où ? Nul part, je suis enfermé nul part. Je suis assis, comment est-ce possible ? Je ne sens plus mes muscles, ils sont frigorifiés. Ma tête me tance, mes yeux ne voient rien d'autre que du noir, mon coeur bat à tout rompre. J'ai si mal à la poitrine, j'ai beau serrer ma chair, chercher dans mes poches mes médicaments, je ne trouve rien et la douleur empire, me broie de l'intérieur. Mes doigts sont les seul à réagir. Ils tremblent, serrent les tissus qu'ils rencontrent, frétillent, hérissent mes cheveux. Ils m'interdisent de perdre pied, sans eux, j'aurai perdu la notion du temps. Grâce à eux, je sais que je suis ici depuis milles deux cents fourmillements dans les doigts, à intervalle de deux minutes entre chaque crises.

Soudain, le monde se dérobe, je sens mes jambes tomber vers le bas et le reste de mon corps suit le mouvement. Le noir tombe et je ne vois que lui, tandis que je tends les bras dans un dernier accès de surprise. Quelque chose se fissure en moi. Mon coeur. Il rate un battement, la douleur se fait animale et je veux pousser un hurlement guttural. Je n'y arrive pas, je ne peux pas parler ici, je ne peux pas m'exprimer.
La douleur se propage dans mes bras, passant brièvement par mes épaules. Mon sang me tiraille, comme s'il eût été composé de milliers de pointes d'aciers. À chaque secondes, la douleur. Une douleur inimaginable, dévastatrice. Je ferme les yeux, dans l'espoir de l'oublier, mais elle revient, incessante. Brusquement, mes pieds dérapent sur un sol soudain, je m'écroule sur une surface dur et glaciale. Je reste allongé, tremblant, incapable de bouger. La douleur est toujours là, animale, mais elle s'est adoucie. Je fronce les sourcils, me concentre sur la larme qui roule sur ma joue. Pourquoi est-ce que je pleure ? Je ne sais pas, c'est un peu comme ci je viens d'échapper à quelque chose... Mais quoi ? J'ai peur, enfin, ce n'est plus de la peur, j'ai plutôt l'impression que c'est l'étape suivante. Laquelle est-ce ? Eijiro m'en avait parlé.. je crois que l'on appelle ça le "soulagement". Ça m'est arrivé si peu souvent, c'est bien la première fois que je ressens ça. Mon coeur me fait si mal mais j'aperçois enfin la lumière de l'horizon. Lentement, elle s'avance, prend de l'ampleur sur l'espace. Bientôt, elle m'engloutira, je me réveillerai. Mais, en attendant, je vais laisser les larmes couler, je vais rester là et attendre que la douleur disparaisse enfin.

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Heyo ! Nouveau chapitre, j'espère que vous avez compris ce qu'il s'est passé ? Si non, je recontextualise. Katsuki à refait une crise, c'est en quelque sorte sa vision dans le monde "entre la vie et la mort". Dans le prochain chapitre, nouvelle étape du livre, j'espère qu'il ne sera pas trop long !
Voilà, portez-vous bien ! À une prochaine fois !

"Ton Étoile..." [Bakudeku]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant