Attention ! Le battement d'ailes du papillon vient d'effleurer l'océan. Jusqu'ici, ça n'a l'air de rien. Sans cet imperceptible frôlement pourtant, le tsunami continuerait à roupiller dans ses grands fonds. Les événements minuscules qui déclenchent les grands cataclysmes arrivent sans qu'on les repère. Comme ce gros type qui venait d'entrer dans mon appartement. Qui aurait parié un sou sur sa capacité cataclysmique ?

-Brian ! a crié Sopha.

-Sopha..., a répondu Brian avec un sourire timide.

-Brian ? a fait ma mère en sortant de la salle de bains, les cheveux mouillés mais peignés.

-Anne-Laurence, ma soeur, tu peux l'appeler Anne-Lo, a fait Sopha en guise de présentait.

-Et moi, c'est Jade, ai-je dit puisque personne ne s'intéressait à moi.

-Bonsoir Jade, a dit Brian.

Il a passé l'index au-dessus de sa lèvre et il m'a regardée attentivement.

-C'est marrant, a t-il dit. Tu me rappelles un boulot que je suis en train de faire. Un truc avec des ados.

Par miracle, à ce moment précis, ni Sopha ni ma mère n'écoutaient. Elles étaient bien trop pressées de sortir des bouteilles du frigo et de disposer des olives dans la coupe marocaine. Nous étions bien partis pour une petite causerie, moi et Brian, mais Sopha l'a saisi par le bras et précipité dans le canapé.

-Ah !... mon chou ! a-t-elle lancé en s'effrondrant à côté de lui.

Maman s'est assise au bord du fauteuil, un verre à la main. Une nouvelle passionnante conversation allait commencer dont je n'étais plus le sujet principal. C'était trop d'aubaine. J'étais libre de m'enfermer dans la salle de bains et de me nettoyer la figure. Et je me fichais bien de ce qu'en penserait Sopha. Elle était de toute façon doublement occupée par Brian et son verre de vin blanc. Il y avait gros à parier qu'elle serait bientôt beaucoup trop soûle pour venir me regarder sous le nez. J'allais me retirer sur la pointe des pieds quand mon téléphone a sonné. 

-Allô ! Jade ?

-Niall ? 

-Je ne sais pas où j'ai fourré mon bouquin de français. J'ai dû le laisser au collège. Je peux passer faire les exercices chez toi ? Je n'en ai pas pour longtemps.

-Pas de problème. Tu veux venir quand ?

-Je suis devant ta porte. C'est bon.

J'ai ouvert et ce n'était pas bon du tout. Niall avait visiblement été frappé d'amnésie partielle parce que j'ai vu ses yeux s'arrondir, pour la deuxième fois de la journée.

-Ah ! C'est vrai ! J'avais oublié. Excuse-moi mais... tu te maquilles maintenant ?

-C'est pas moi. C'est ma tante.

-Peut-être mais c'est ta figure. Et c'est bizarre.

-Je sais, je sais...

J'en étais là, à répéter bêtement " je sais, je sais ", quand Sopha s'est avisée qu'un nouveau venu stationnait devant la prte d'entrée. Il lui a fallu quelques secondes pour l'identifier. Et soudain, un long hululement est sorti du canapé.

-Ca alors ! faisait le hulument. Mais c'est le même ! Le type ! Le jeune type du magasin ! 

-Repéré, a constaté Niall.

-Venez dire bonsoir, les jeunes, a lancé ma mère.

-On ne fait que passer, ai-je cru utile de préciser. On a du travail.

Nous avons toutefois rempli nos devoirs coutumiers : j'ai présenté Niall, il a serré les mains, nous avons accepté un verre de jus d'orange, et nous nous apprêtions à gagner modestement ma chambre quand Brian s'est levé.

-Une minute, juste une minute. Une idée comme ça. C'est pour le boulot dont je te parlais, Jade.

-Quoi le boulot ? Qui parlait de boulot ? 

Sopha s'agitait dans le canapé, l'air blessé de celle qui est tenue à l'écart des discussions importantes. Mais Brian avait déjà attrapé un sac dont il sortait un appareil photo. Il n'arrêtait pas de parler enôtant le viseur, en trafiquant la lumière, en cherchant sa distance. Un baratineur de première classe.

-C'est seulement une petite idée, vous ne bougez pas, surtout pas, la lumière est excellente, splendide, attendez, regardez-moi, làààà comme çaaaaa, c'est très bien, parfait, merci Jade merci Niall, c'est gentil de m'aider, ne baissez pas les yeux, encore une, la dernière, c'est fini, voilààààààà....

[ En Pause ] La Belle JadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant