L'après-midi s'achevait quand nous avons retraversé la ville, Sopha et moi, le visage fièrement couvert de nos peintures de guerre. J'aurais aimé que nos ennemis terrifiés s'effacent devant nous. Mais apparement il n'y a qu'à moi que nous faisions peur. Nous cheminionsavec vaillance vers l'appartement maternel où nous étions attendues. Incapable de garder son triomphe pour elle, Sopha avait téléphoné à ma mère.
-Tu vas voir ! Tu vas voir..., avait-elle promis.
Autant dire que ma mère était au taquet. Quand nous sommes entrées. elle était emballée dans son vieux peignoir et elle se lavait les cheveux dans la baignoire.
-Alors, alors ? a-t-elle demandé quand elle nous a eues en face d'elle.
Elle nous regardait de ses bons yeux de myope, dans l'attente de la surprise. Et elle ne voyait rien. Sopha aurait pu être déçue, si seulement elle avait eu assez d'imagination pour supposer qu'il n'y avait rien à voir. Mais elle pensait que seule la myopie de ma mère l'empêchait de s'extasier. Elle patientait, certaine que ses yeux finiraient pas se dessiller. Pour moi, je n'étais pas lojn d'être rassirée. Le truc s'était propablement effacé en cours de route. La poussière de couleur s'était envolée et j'étais redevenus normale.
Hélas, j'avais tort et Sopha avait raison. Les pupilles maternelles ont fini par percer le flou. Les yeux se sont écarquillés.
-Enfin Jade, a dit ma mère, qu'est-ce que tu as fais à ta figure ?
Nous courions à la catastrophe diplomatique. Mais Sopha n'est pas le genre de femme à se laisser gâcher l'après-midi par une bourde mal maîtrisée.
-C'est mon cadeau ! a t-elle hurlé.
Ah..., a murmuré ma mère. Vous êtes allées...
-Nous faire maquiller ! Et j'offre tout le matériel à Jade !
-C'est..., a fait ma mère. C'est...
-Ravissant !
Je les ai laisées s'empêtrer toutes seules : elles sont soeurs, elles ont leurs habitudes. Ma mère s'est longuement frotté les cheveux dans sa serviette. On ne voyait plus sa figure. Sopha guettait le moment où elle sortirait le nez de l'éponge.
-Elle a l'âge de prendre soin d'elle, non ? a-t-elle demandé sur un ton revendicatif, comme si ma mère était à la fois contre le soin et contre moi.Elle est mignonne comme tout, ta fille ! Il est temps qu'elle apprenne à se mettre en valeur. Et comme tu le vois, un maquillage léger peut changer beaucoup de choses.
Ma mère frottait, frottait. Elle allait finir par s'arracher les cheveux. A force.
-Evidemment, continuait Sopha sur sa lancée, il faudrait qu'elle apprenne à choisir ses vêtements...Je suis disponible pour l'accompagner. Tu sais que je suis dingue de shopping. Tu peux me la confier un de ces week-ends. On se fera une bonne virée toutes les deux. Hein, ma chérie ?
"Ma chérie" m'était déstiné, sans doute possible. Il n'était pas trop tôt. Je commençais à me sentir singulièrement exclue de toute cette histoire.
-J'aime pas trop le shopping, ai-je hasardé.
-Avec moi, tu vas adorer ! a affirmé Sopha.
Et je me suis juré de l'éviter pendant les quarante années à venir.
Ou ma mère se décidait à me défendre avec fermeté, ou j'allais devenir le jouet de ma tante. Mais elle frottait toujours. Visiblement, elle était sous l'emprise d'une puissance supérieure. Quelque chose comme une secte dont Sopha était le gourou. Bref, nous étions en plein galimatias et ma mère allait y laisser son cuir chevelu quand la sonnette de la porte d'entrée a retenti.
-Quoi ?! a fait ma mère sous la serviette. quoi encore ?
-Je crois que c'est pour moi, a dit Sopha. Un ami. Je me suis permis de lui dire de passer me chercher chez toi.
C'est malin, a gémi ma mère. Si seulement tu m'avais prévenue, je me serais débrouillée pour avoir l'air présentable...
-Surtout pas ! Pas de concurrence déloyale ! C'est moi qu'il vient chercher !
Nouveau coup de sonnette. Ma mère s'est précipitée à la salle de bains tandis que Sopha se dirigeait majestueusement vers la porte.
-Mon ami phtographe, a soupiré Sopha. Un grand photographe... Et un grand ami...
Si elle s'adressait à moi, c'est qu'elle avait vraiment besoin d'impressionner quelqu'un. Parce que moi, les photographes copains de ma tante... Elle a ouvert la porte. Ma mère était enfermée à double tour dans la salle de bains, et j'étais toujours maquillée comme une poupée de foire...
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[ En Pause ] La Belle Jade
Teen FictionJade en a assez. Pourquoi devrait-elle se donner du mal pour se maquiller et s'habiller, comme les filles de sa classe ? Est-ce le plus sûr moyen de ne pas se faire remarquer ? D'être normale ? Et Niall.... Il est gentil, il est même tragiquement g...