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-Allô ? Niall ! Je suis en bas de chez toi. J'ai le contrat. Je peux monter ?

-Pas la peine ! Attends-moi ! Je descends !

J'étais tellement exaspérée que les larmes me montaient aux yeux. J'avais besoin de réconfort. Entrer dans un appartement familial normal, être accueillie par des parents normaux, me voir offrir un verre de jus d'orange par une mère normale.... Et oublier un instant la mienne et ses manigances luxurieuses. Mais c'était toujours pareil : Niall venait chez moi sous n'importe quel prétexte, et je n'étais jamais invitée chez lui. Je n'avais jamais vu l'endroit où il vivait. Jusque-là, j'en avais pris mon parti. Mais ce soir, le déséquilibre me sautait aux yeux. Est-ce que je n'étais pas assez bien pour entrer chez lui ? Qu'est-ce que j'avais de si repoussant ?

-Qu'est-ce qui se passe ?

Niall me regardait avec inquiétude.

-Qu'est-ce qui ne va pas ?

-Rien ne va. Et j'ai nulle part où aller...

J'ai senti une larme glisser le long de ma joue et atteindre mes lèvres. Niall m'a prise dans ses bras et m'a serrée contre lui, exactement comme nous l'avions essayé dans ma chambre. Pendant quelques secondes, j'ai regretté que nous ne soyons pas devant le collège et que personne ne puisse en profiter. Puis je me suis laissée aller et j'ai reniflé dans son cou.

-Ma mère sort avec le photographe. J'en suis sûre.

-C'est pas si terrible. C'est pas comme si t'avais un père....

-Mais elle n'est pas toute seule. Elle m'a, moi. Et elle est trop vieille, ce vieux Brian aussi, c'est dégoûtant...

-Peut-être qu'ils font comme nous ? Semblant ?

Niall m'avait lâchée et me regardait en souriant.

-Tu devrais lui demander.

C'était une idée agréble, et j'étais déjà un peu moins triste. Mais pas moins furieuse. Comme si, en refluant, la tristesse avait laissé la place à la colère.

-Et toi ?

-Quoi, moi ?

-Pourquoi tu ne m'emmènes jamais chez toi ? Je te fais honte ?

Sur le visage de Niall, le sourire s'est effacé. Ses yeux ont quitté les miens et il a regardé par terre.

-Ce n'est pas ça.....

-Qu'est-ce que c'est alors ?

Il n'a pas répondu. Il a soupiré. Puis il a relevé les yeux.

-Tu veux vraiment venir chez moi ?

Sincèrement, je n'en étais plus très sûre. Il y avait quelque chose de tellement sérieux dans ses yeux, de tellement grave, que j'aurais voulu revenir en arrière, et ne lui avoir jamais rien demandé.

-Après tout, c'est normal, a continué Niall sans attendre de réponse. Je viens chez toi, tu viens chez moi. Je vais remonter prévenir ma mère. Tu attends cinq minutes et tu montes. C'est au cinquième. La porte à droite.

Il a tourné le dos et il est rentré dans l'immeuble. Je n'avais pas dit un mot. Les cinq minutes qui ont suivi ont duré l'éternité. C'est lui qui m'a ouvert la porte.

-Entre, m'a-t-il dit.

L'appartement était tout petit et très encombré. Sous la fenêtre, on avait installé un évier et une cuisinière. En face, contre le mur, il y avait une télé. Et sur la table, au centre de la pièce, une dame travaillait sur une machine à coudre. Elle s'est levée quand je suis entrée. Elle s'est avancée vers moi et m'a tendu la main. Je l'ai reconnue. Je l'avais aperçue au grand magasin, le jour du battement d'ailes.

-Ma mère, a dit Niall.

Puis il a prononcé quelques mots en irlandais, au milieu desquels j'ai entendu mon prénom.

-Bonjour mademoiselle, a dit sa mère.

Elle parlait avec un accent qui faisait sonner ses mots comme un chant d'oiseau. Elle s'est inclinée et je me suis inclinée aussi. Puis elle a croisé les mains devant elle et elle est restée à nous regarder tous les deux avec un sourire fixe. Tandis que j'étais là, immobile, mes yeux enregistraient le décor. Des vêtements entassés dans des sacs, des journaux en caractères irlandais en pile sur un tabouret, un calendrier, une horloge, deux statuettes de vaches qui se souriaient, et des objets partout, posés sur des étagères, sur le sol, sur des chaises. Enfin elle est allée se rasseoir. Elle s'est remise au travail. Ses mains allaient à toute vitesse sur le tissu qu'elle glissait sous l'aiguille de la machine.

-Mon père rentre tard, a dit Niall. Il travaille dans une maroquinerie. Viens, je vais te faire visiter.

-C'est pas obligé.

-Maintenant, si....


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Salut, c'était juste pour vous dire que je poste deux chapitres par semaines maintenant, vu que mes chapitres étaient irréguliers, un en milieu de semaine et un en fin de semaine.

Merci d'avoir lu

-M

[ En Pause ] La Belle JadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant