19.

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A ce stade de mon histoire, on peut considérer que le papillon qui battait de l'aile à réussi son coup. D'effet inattendu en conséquence absurde, je me retrouve à peu près socialisée. Les choses pourraient s'arrêter là. Le problème, c'est qu'on n'interrompt pas un phénomène physique en marche.

J'ai donc laissé Niall en bas de chez lui et j'ai pris l'ascenseur en chantonnant. Chez moi, tout était calme. Paix luxueuse des appartements vides. A moi ma chambre, mon lit, ma sieste...

-Jade ? C'est toi ?

La voix venait du salon. J'ai jeté un coup d'oeil par la porte vitrée. Quelqu'un était assis dans le canapé. Et ce quelqu'un passait nerveusement la main dans ses cheveux. Ma mère. A cette heure, elle aurait dû tenir la permanence dans son petit bureau à l'agence bancaire. Qu'est-ce qu'elle fabriquait à se recoiffer dans le canapé du salon ?

-Ca va ?

-Très bien, chérie. Les cours sont déjà terminés ?

-Le jeudi, c'est quinze heures.

-Ah bon ?

Elle était stupéfaite... Le manque d'habitude. Quand on rentre jamais avant dix-neuf heures, on n'a pas forcément l'emploi du temps de sa fille en mémoire.

-Bonjour Jade, a fait une autre voix.

Un autre quelqu'un était assis dans le canapé, à demi caché dans le dos de ma mère. Ce quelqu'un redressait le torse et avançait le cou pour me sourire de loin. Une tortue. Une tortue dans une chemise à carreaux. Brian.

-Je vous dérange ?

-Pas du tout ! a fait ma mère en bondissant du canapé. Justement, on t'attendait !

Deux mensonges coup sur coup. Et des joues rouge tomate. Elle mentait beaucoup et elle mentait mal.

-Brian est venu avec les contrats...

La bonne excuse ! Pathétique. Grotesque. Je n'ai pas pris la peine de répondre. Je suis allée déposer mon sac dans ma chambre. Quand je suis revenue, ils s'étaient extirpés des coussins. Brian avait gardé son sourire inoxydable, et ma mère une légère rougeur aux pommettes.

-Tout le monde est ravi, a-t-il remarqué en tapant de l'index sur ses contrats. L'agence et le client.

-L'agence et le client ?

-Brian veut dire les publicitaires et le ministère,a répondu patiemment ma mère, un peu comme si j'étais demeurée.

Elle se prenait pour son assistante ou quoi ? J'avais une horrible envie de les envoyer sur les roses, tous les deux, et de ne rien signer du tout. Mais je n'étais pas de taille à affronter leurs discussions interminables et autres récriminations.

-Passe-moi un stylo et dis-moi où je signe...

-Tu ne veux pas lire avant de signer ? a demandé Brian.

-Pourquoi ? De toute façon, Maman est obligée de protéger mes intérêts. C'est la loi. Je suppose qu'elle a eu le temps de tout lire dans le canapé...

-Ce que tu peux être désagréable ! a remarqué ma mère.

Désagréable mais pas collante. J'ai remis le capuchon et rendu le stylo à Brian.

-Vous m'excuserez mais j'ai du travail. Salut.

-Salut Jade, a fait Brian. Je te laisse un exemplaire pour Niall. C'est assez urgent.

-C'est ça. Laisse-le.

Une fois dans ma chambre,

[ En Pause ] La Belle JadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant