L'arrivée à Saint-Savin - 3

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Après le rez de chaussée, nous montâmes à l'étage et prîmes la direction de l'aile gauche, où se trouvait ma chambre. Quand nous atteignîmes le bout du couloir, l'une des jumelles écarta le pan d'une tenture murale et dévoila une porte.

«- Ici c'est la porte de l'escalier de service, m'expliqua-t-elle. Il donne directement accès à la cuisine qui se trouve juste en dessous ou au grenier dans l'autre sens. Il ne sert quasiment plus. C'est ce que notre mère appelle notre tanière. Nous y avons aménagé le grenier et les anciens logements des serviteurs des siècles passés à notre convenance. Nous en avons fait notre véritable chez-nous, loin du regard des autres.

- Qui sait, tu pourras peut-être avoir le droit de nous y rejoindre, gloussa sa sœur. Mais en principe, personne ne peut le faire à part nous deux. »

Nous remontâmes le couloir en sens inverse pour rejoindre la première porte, que je reconnus comme étant celle de ma chambre. Nous y pénétrâmes tous les trois. À l'intérieur se trouvait une femme d'une trentaine années, grande, mince et les traits tirés, qui était en train de vider ma malle pour placer mes vêtements dans une armoire.

«- Ah tiens, Ninon, te voilà. Louis, voici Ninon. C'est notre femme de chambre. C'est elle qui effectue toutes les tâches domestiques à l'étage. Donc si tu as besoin de quelque chose, demande lui. »

Ninon esquissa une petite révérence comme on n'en faisait guère plus. Je lui répondis de mon sourire le plus poli. Les paroles de mon père résonnaient dans mon esprit : Louis, tu seras amené à diriger des employés plus tard, alors si tu veux qu'ils te respectent, commence par te montrer respectueux à leur égard. Depuis qu'il m'avait enseigné ce principe, je faisais mon possible pour me montrer à la hauteur.

Les filles se dirigèrent vers la porte de la salle de bain où je les suivis. Elles refermèrent la porte derrière nous et me dirent tout bas :

«- Le mari de Ninon est mobilisé, lui aussi. Et depuis, elle est sans nouvelles. C'est pour cela qu'elle a cette mine triste. Nous, on a quelques nouvelles de notre père et de notre frère, même si c'est peu. Suzanne en a de ses fils. Mais Ninon, rien.

- Avant, elle était toujours souriante. Mais depuis, elle est rongée par la peur.

- Il ne sait peut-être pas écrire ou il n'a peut-être pas eu le temps, tentai-je d'expliquer.

- Il sait écrire, du moins il a les bases. Et pour ce qui est de ne pas avoir le temps, c'est ce que notre mère a tenté de lui dire pour la rassurer. Mais plus le temps passe, moins cet argument tient debout. »

Les filles reprirent leur fonction de guide et nous pénétrâmes dans la chambre d'Églantine par la porte qui faisait face à celle de sa soeur, permettant aux deux chambres de communiquer sans passer par le couloir. Les pièces me paraissaient être d'un même volume et les couleurs dominantes restaient le violet et le blanc. Mais ici, pas de bibliothèque. Les murs étaient couverts de tableaux de diverses tailles. D'une oreille distraite, j'écoutais les commentaires des jumelles, mais mon attention était surtout attirée par les toiles. Une à une, je les regardai avec admiration. L'une d'elle en particulier attira mon regard. Le tableau représentait Jeanne de Clerfeuille tenant dans ses bras un panier rempli de fleurs.

«- Ce tableau te plaît ? me demanda l'une de mes guides en se plaçant à mes côtés.

- Oui, beaucoup. C'est vraiment très ressemblant.

- Alors je te remercie pour ce compliment... me fit la jeune fille, avec une pointe de fierté dans la voix.

- C'est toi qui l'a peint ?

L'éveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant