Emotions - 5

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L'après-midi vit apparaître la pluie et nos projets de balade avec les jumelles s'envolèrent dans l'instant. De toute façon, je n'avais pas spécialement envie d'aller me distraire sur les bords du lac. Certes, la partie où nous avions l'habitude de nous retrouver n'était pas celle du drame, mais cela m'aurait paru trop proche et trop tôt.

Nous restâmes donc au château. Les filles passèrent une partie de leur temps avec les autres femmes de la maison avant de trouver refuge dans leur tanière du grenier, pendant que je préférai trouver un peu de réconfort dans une solitude peuplée de mes héros de roman. Parfois, les averses se faisaient plus fortes et venaient s'abattre bruyamment sur les vitres de ma chambre pour me tirer de mes lectures. Puis ce fut Jules qui passa dans les chambres vers cinq heures du soir pour disposer des bûches dans les cheminées. La pluie avait apporté un peu de fraîcheur et d'humidité dans les pièces. Les derniers jours de douceur ne seraient sans doute plus nombreux à présent. J'allumais moi-même ma flambée. J'avais toujours apprécié de le faire. Cela me procurait une sorte de détente de l'âme. Puis je restais de longues minutes à observer la danse des flammes, assis sur le sol, en me livrant à une certaine méditation.

Capucine se présenta à son tour. C'était la première fois qu'elle venait me voir et que nous étions seuls dans ma chambre.

«- Mère s'inquiète de savoir si tu vas bien, m'expliqua-t-elle. »

Je la rassurai d'un sourire. Elle vint se placer à mes côtés et sans rien dire, elle maintint le silence pendant quelques instants. Seuls le crépitement des bûches qui se consumaient venait interrompre ce silence. Puis elle me dit :

«- Tu es un étrange garçon, Louis.

- Vraiment ?

- Oui. Je trouve. Tu es à la fois plein de charisme, de charme et en même temps, tu te tiens très souvent en retrait. Tu te montres toujours d'une grande gentillesse et d'une grande sensibilité, m'expliqua Capucine. Quand Mère nous fait la lecture des journaux, on sent que quelque chose bout en toi, comme si tu avais envie d'être là-bas sur le front. Et quand un malheur arrive comme aujourd'hui tu sembles atteint.

- Je ne cherche pas spécialement à être comme ça. Louison était vraiment quelqu'un de gentil. Je suis triste de ce qui lui est arrivé, ce n'est pas calculé. Je suis juste naturel.

- Je n'en doutais pas. C'est juste que je ne connais aucun autre garçon comme toi. Je trouve que cela t'apporte un charme certain, conclut-elle en souriant. »

Ces derniers mots me touchèrent. Je ne sus quoi lui répondre. Mes yeux tentèrent de se fixer sur les siens mais elle tourna la tête.

- Viens, descendons. Ne reste pas seul jusqu'au dîner. Je vais chercher les jumelles là-haut et on y va.

Grâce à l'humour et aux rires de Marguerite et Églantine, la soirée fut assez douce. Pourtant quand l'heure d'aller se coucher se présenta, je ne pus trouver le sommeil. Je me retournai sans cesse dans mon lit. Une foule d'idées envahissantes m'assaillaient et faisaient naître une pointe d'énervement.

Résigné à devoir passer une nuit difficile, je quittai mon lit pour aller me passer de l'eau sur le visage dans la salle de bain. Puis en revenant dans la chambre, je me plaçai devant la fenêtre pour observer le parc baigné de la lumière pâle de la pleine lune.

Une chouette traversa l'espace entre les premiers arbres du bosquet et le toit du château. Trois coups furent portés doucement à la porte de la salle de bain.

- Tu ne dors pas, demanda une des jumelles en passant la tête pour trouver sa réponse.

- Non, tu peux entrer.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 11, 2021 ⏰

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