Le Lac - 2

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Cette étrange aventure me laissa sans force. Je regagnai mon lit après avoir remis mon pantalon et je m'allongeai. Songeur, je mangeai la brioche par petits bouts en me demandant si toutes les femmes avaient ce don inné de provoquer de si douces sensations. Gabrielle avait-elle su faire ce genre de choses naturellement ou avait-elle déjà pratiqué avec une autre personne ? Elle n'était pas beaucoup plus vieille que moi, mais les quatre ou cinq années qui nous séparaient me parurent un continent immense sur lequel je venais de faire le premier pas. J'avais tant à apprendre.

Lentement, une agréable torpeur envahit mes membres et, petit à petit, gagna tout mon corps.

Je fus réveillé par des éclats de rire étouffés provenant de la salle de bain. Un peu hagard, j'attrapai ma montre que j'avais posée sur la table de chevet. Il était plus de 8h30 et le château avait repris vie. La présence du plateau et du verre de lait me rassurèrent sur le fait que tout ce qu'il s'était passé dans cette chambre n'avait pas été un rêve. Un large sourire se dessina sur mes lèvres.

J'attendis près de trente minutes pour pouvoir profiter du cabinet de toilette à mon tour puis je descendis au rez de chaussée en faisant un détour par la cuisine pour rapporter le plateau. Suzanne y était seule en train d'éplucher des légumes que Jules lui avait rapporté d'un potager qui se trouvait derrière les écuries. Elle me gronda gentiment en me disant que Ninon aurait très bien pu descendre ce plateau après avoir fait ma chambre. Puis elle me demanda :

«- Alors, Monsieur Louis, vous en avez pensé quoi de cette petite gourmandise que Gabrielle vous a montée ?

- Inoubliable, Suzanne. Vraiment inoubliable...

- Ah pour sur que j'en suis fière de ma brioche ! s'exclama-t-elle. »

Je quittai la cuisine en laissant la reine des fourneaux jubiler de sa gloire culinaire et partis à la recherche de quelqu'un pour me tenir compagnie. Arrivé sur la terrasse donnant sur le parc, j'aperçus ma mère et son amie Jeanne qui se dirigeaient vers les serres : l'heure était au jardinage. Je choisis de me rendre dans le salon mais je trouvai l'endroit désert. Je n'eus pas plus de réussite en pénétrant dans la bibliothèque. Las, je décidai de remonter dans ma chambre afin d'y chercher mon livre avant de retourner m'installer sur la terrasse pour y poursuivre mon voyage sous les mers.

En haut de l'escalier, je croisai Ninon qui sortait du couloir menant à l'aile des parents.

«- Bonjour Monsieur, me fit-elle en s'inclinant légèrement.

- Bonjour Ninon. Auriez vous croisé quelqu'un ? J'ai l'impression d'être seul ce matin.

- Mademoiselle Capucine est partie au village faire une course pour Madame. Mlle Gubéran et une des jumelles sont dans la salle de cours et je pense que l'autre jumelle doit être dans sa chambre, me répondit-elle. »

J'avais déjà oublié la remontrance de Jeanne de Clerfeuille à sa fille Marguerite lors du souper de la veille. Celle-ci devait achever sa version latine si elle voulait pouvoir aller au lac plus tard. Je continuai ma route vers notre aile du château et je toquai à la porte des filles et patientai le temps qu'une voix me donne l'autorisation d'entrer.

«- Bonjour Églantine, je ne te dérange pas ?

- Non non, vas y entre, me répondit-elle avec amabilité. »

Je la trouvai assise devant sa coiffeuse dont le dessus avait été débarrassé de tout ce qui servait à parfaire son apparence. À la place, le plateau du meuble était recouvert de crayons, fusains et autres pinceaux. Ma nouvelle camarade semblait les avoir tous déversés juste avant mon entrée pour en faire le tri. Comme elle vit que mon attention s'était portée sur cet enchevêtrement, elle m'expliqua qu'elle n'était pas d'une nature très ordonnée et que de temps à autre, elle devait ranger son matériel de dessin car elle ne retrouvait plus rien.

L'éveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant