Le Lac - 3

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Une heure plus tard, Églantine quitta la salle d'études et revint dans sa chambre. En l'entendant, sa sœur l'appela en ouvrant la porte de la salle de bain. Pendant tout ce temps, nous étions restés allongés à discuter en nous remémorant des souvenirs de nos enfances respectives. Nous en parlions comme si il s'agissait d'événements très anciens alors qu'en fin de compte nous commencions tout juste à sortir de cet âge de la vie.

Constatant ma présence, la nouvelle venue continua de jouer le rôle de sa sœur.

«- Pas la peine de te faire passer pour moi, l'inspecteur Louis nous a percées à jour, l'arrêta Marguerite.

- Ah bon ? Comment a-t-il fait ?

- Je n'ai pas été assez prudente dans mes paroles et il s'en est aperçu.

- Tu devrais faire plus attention Margot, tu sais que Mère n'aime pas que l'on fasse ça.

- Oui, je sais. Promis, ça n'arrivera plus.

- Ce serait mieux pour nous... Et qu'est-ce que vous faisiez pendant ce temps ? »

Allongé sur le lit, les mains rassemblées derrière la tête et le sourire aux lèvres, j'écoutai l'échange entre les deux sœurs. D'abord irritée par l'imprudence de sa jumelle, Églantine se calma progressivement. Marguerite s'allongea de nouveau à mes côtés avant d'être imitée par sa sœur. Au fil des minutes, je me pris à croire qu'elles commençaient à me faire confiance. Quand elles évoquèrent notre après-midi à venir au bord du lac, je leur expliquai que je ne pourrai pas me baigner puisque je n'avais pas apporté de tenue de bain.

«- N'as tu pas de caleçons longs ? Cela fera l'affaire largement.

- Je ne suis pas certain que cela soit très décent de ne porter que ça... répliquai-je.

- Tu sais, personne ne nous verra, répondit Églantine.

- L'endroit où nous aimons nous baigner est isolé, ajouta Marguerite.

- Oh mais j'y pense, s'écria la première, nous n'avons pas vérifié que la bicyclette soit adaptée à Louis. Jacques est un peu plus grand que lui. »

Coupant court à la conversation, les filles se levèrent en chœur et m'entraînèrent à l'extérieur du château en direction des anciennes écuries. Jules y était en train de lustrer la peinture noire de la Panhard. Ayant perdu les repères de la chambre, je ne savais de nouveau plus qui était qui. L'un d'elles lança au brave homme :

«- Jules, pouvez-vous nous aider ? Nous devons régler la bicyclette de notre frère aux dimensions de Louis.

- Bien Mademoiselle, obtempéra le vieil homme. »

Les filles entrèrent dans une réserve qui se trouvaient à l'arrière du garage de l'automobile et sortirent tour à tour trois bicyclettes. Elles me mirent l'une d'elles entre les mains et me dirent :

«- Vas-y, essaie la. »

Il s'agissait d'une Alcyon comme celles que chevauchaient les héros du Tour de France qu'étaient Eugène Christophe ou Cyprien Garrigou. J'enfourchai le bolide et fis quelques tours dans la cour à l'avant de la résidence des Clerfeuille. Mis à part un réglage de hauteur de selle et quelques coups de pompes dans les roues, il ne fut pas nécessaire d'apporter d'autres modifications. Je prêtais main forte au vieux serviteur, du moins je tenais la bicyclette, pendant qu'il donnait les derniers coups de clés quand les filles commencèrent à montrer des signes d'impatience.

«- Parfait, maintenant allons voir Suzanne, s'écria la jumelle qui se trouvait la plus proche de moi, Louis viens ! »

Je haussai les épaules en signe d'excuses envers Jules avant de partir à la suite des deux furies.

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