Chapitre 1 : Anna

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Les jambes repliées sur le canapé, un coussin sous le bras, j'entame un nouveau chapitre du livre que j'ai abandonné la veille. C'est sans mal que je me replonge dans l'histoire, qui m'a tenu éveillé une bonne partie de la nuit dernière. Celle-ci pourrait sembler cliché, mais la romancière a tellement bien mené son intrigue que j'ai été captivée dès les premières lignes. On arrive à la résolution, là où les deux protagonistes réalisent qu'ils vont enfin vivre leur amour. Le Happy End tant attendu, celui que tout le monde connaît mais qu'on ne peut s'empêcher d'attendre.

Je relève les yeux un instant sur ma bibliothèque pleine à craquer de romans en tout genre. Je n'y peux rien si mon âme d'éternelle rêveuse aime s'évader dans ces histoires impossibles où l'amour finit toujours par triompher . J'ai beau me dire que toutes ces histoires, malgré leurs rebondissements, sont bien éloignées de la réalité, je ne peux m'empêcher de les lire, c'est comme ça.

En plein milieu de l'action, des coups se font entendre à ma porte. N'attendant personne, je ne prends pas la peine de me lever et replonge entre mes pages, pressée de connaître la suite, quand ceux-ci résonnent plus fort dans mon minuscule appartement. à finir ma lecture, je m'enfonce dans le canapé en espérant que la personne comprenne qu'elle me dérange. C'était sans compter sur mon téléphone qui vibre sur la table basse devant moi.

[Je sais que t'es là, ouvre cette porte !]

Je soupire, appose mon marque page, et me traîne jusqu'à la porte de mon appartement que j'ouvre sur ma meilleure amie Caroline et sa copine.

— Enfin ! T'avais l'intention de nous laisser sur le devant de ta porte ? me demande Caro sans attendre de réponse de ma part, tout en poussant la porte de la main pour entrer.

Mon regard s'attarde un instant sur leurs tenues, toutes apprêtées pour sortir. Là où Mathilde a mis des talons avec une salopette noir et doré, ma meilleure amie porte des baskets avec une mini robe rouge. Dans ma tête, une alarme résonne, mais je n'y prête pas attention et referme la porte derrière elles alors qu'elles s'installent dans mon salon en y déposant des emballages de nourriture.

Je récupère trois bières dans le frigo de ma kitchenette, et m'installe avec elles. Sans un mot, j'attrape le dernier emballage de libre pendant que Caroline allume la télévision. Ma meilleure amie est ce genre de personne sans gêne, à l'aise partout et avec tout le monde, c'est d'ailleurs grâce à elle que nous sommes amies. C'est elle la première à être venue vers moi à notre entrée à l'université alors que je m'étais posé dans un coin espérant ne pas y être dérangé. Il y a deux ans, quand je suis partie poursuivre mon master à Angers, je lui ai sous loué mon appartement — que je loue déjà à ma tante — alors qu'elle venait de partir de chez ses parents. A cette époque ses parents l'ont mise dehors, quand elle leur a annoncé entretenir une relation avec une fille. Caroline a eu beaucoup de mal à accepter le rejet de ses parents, et même si aujourd'hui, ils ont repris contact, elle n'en garde pas moins une certaine rancœur.

Mathilde, sa nouvelle copine, jette un œil à mon livre toujours sur le canapé, sans prendre la peine de cacher sa moue désapprobatrice.

— A cette allure, on va finir par la marier avec un livre ou un bibliothécaire.

— Mathilde !

— Enfin, soupire-t-elle, à mon avis, les mecs comme ça passent tellement de temps entouré de livres, que je ne suis pas sûre qu'ils apprécient rentrer chez eux et tomber sur leurs copines en train de lire.

Comme d'habitude, je ne dis rien, me contentant de boire ma bière, plongée dans mes pensées. Je suis énervée qu'elle parle comme ça devant moi, mais je ne dis rien, m'effaçant de la conversation. Ce n'est pas parce que je suis timide que je réagis comme ça, j'ai seulement compris avec les années qu'il y a des gens avec lesquels ça ne sert à rien de riposter.

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