Chapitre 25 : Anna

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J'aimerais ne pas être aussi curieuse, mais depuis la boutique, j'observe le trottoir où Julien et Adrien sont en pleine conversation. Je ne sais pas ce qu'il se passe, j'ignorais même qu'ils se connaissaient jusqu'à aujourd'hui, et je ne pense pas beaucoup me tromper en pensant qu'ils ont un passé commun.

Tout dans l'attitude de Julien me dit qu'il est sur les nerfs, mais je crains qu'en intervenant je ne fasse que l'énerver davantage. Pourtant, j'aimerais le prendre dans mes bras, lui dire que peu importe ce qu'il s'est passé, ça peut s'arranger.

Julien contourne le fauteuil et disparaît de mon champ de vision, alors que le fauteuil d'Adrien reste au milieu du trottoir, avant d'opérer un demi-tour et de revenir ici. Je me replace derrière le comptoir, comme si de rien n'était. Adrien franchit la porte, et c'est la première fois que j'aperçois cet air triste sur son visage. Il tente un sourire dans ma direction, mais celui-ci n'atteint ni ses joues, ni ses yeux.

Son café ayant refroidi, je m'empresse de lui en refaire un autre, — quitte à le payer de ma poche — après ce qu'il vient de se passer, il en a bien besoin.

— Merci Anna.

On se regarde un moment dans les yeux, chacun tâchant de mettre de l'ordre dans ce qu'il vient de se passer.

— Ça fait longtemps que tu le connais ?

— Depuis septembre, c'est le petit-fils de mon voisin.

— Et donc, tous les deux ...

— Oh ! C'est très récent, on ne se connait même pas vraiment en fait, lâché-je en constatant à quel point c'est la vérité.

Lui et moi, on ne sait finalement rien l'un de l'autre, chacun de nous prend la vie comme elle vient, profitant du temps ensemble sans réellement entrer dans les détails de nos vies.

— Je ne savais pas que tu le connaissais.

— Ça fait plus de dix ans qu'on se connaît, on était amis, même meilleurs amis avant... avant que la vie nous porte sur des chemins séparés. Je savais qu'il était rentré, mais j'ignorais qu'il était là. Quoique, en y repensant bien, c'est lui qui n'arrêtait pas de me dire qu'il avait grandi à Bordeaux, et qu'il y avait encore de la famille.

— Je sais que ça ne me regarde pas, mais... Qu'est-ce qu'il s'est passé entre vous ? tenté-je d'une voix mal assurée en comprenant que je m'avance sur un terrain glissant.

Son regard glisse sur ses jambes quelques secondes avant de revenir vers moi.

— Je pense que c'est mieux si c'est lui qui t'en parle.

Je hoche la tête, consciente que j'en demande beaucoup à quelqu'un que je ne connais pas.

— Tu aurais de quoi écrire ? Je voudrais te passer mon numéro au cas où Julien voudrait me parler.

— Tu veux le sien ? demandé-je en lui tendant ce que j'ai sous la main, un papier de ticket de caisse et mon stylo de commande.

— Non, répond-il en inscrivant son prénom et son numéro, s'il veut avancer, c'est à lui de me contacter maintenant. Merci pour le café !

Il me redonne le papier et le stylo, puis s'en va avec son gobelet de café. Tandis que je reste là, à me demander tout au long de la journée ce qui a bien pu se passer entre eux.

****

Je rentre chez moi, l'esprit encore en questionnement. J'ai envoyé deux messages à Julien resté sans réponse, et je suis bien décidé à lui parler ce soir, pas seulement à propos d'Adrien, mais aussi de nous. Parce que je ne sais absolument pas ce qu'il se passe. J'ai la ferme intention de le voir, mais il est encore tôt et je sais qu'il n'a pas fini les cours. Dans ma tête, les questions s'enchaînent les unes aux autres sans savoir laquelle j'ai envie de lui poser en premier. Une chose est sûre, je ne resterai pas sans réponse, même s'il ne veut pas toutes me les donner.

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