Chapitre 16 : Anna

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Je dévale les escaliers, et arrive en bas, complètement essoufflée, une crampe à l'estomac. L'alcool et mon absence de sport se font ressentir. Je ne fais même pas attention à la personne appuyée sur le mur dans l'entrée, et sors dehors. L'air frais me fait du bien, tout comme il me fait frissonner. Un peu calmé par ma cavalcade dans les escaliers, j'enfile ma veste, déterminé à partir d'ici et à ne plus le revoir.

Certes, je n'étais pas emballé à l'idée de passer la soirée avec lui, et j'ai cherché des stratagèmes pour l'éviter, mais je ne m'attendais certainement pas à le voir dans une telle situation. Un rire hystérique me secoue, alors qu'il me semble entendre mon prénom murmuré dans le silence de la nuit. Au moins, je n'ai plus besoin de me débarrasser de lui.

— Anna !

Je tente de calmer mes gloussements, puis me retourne, prête à l'affronter. Mais ce n'est pas lui qui se trouve devant moi.

— Je te raccompagnes ?

— Que je te dise oui ou non, tu le feras quand même ?

L'esquisse d'un sourire déforme ses traits, et il me rejoint les mains dans les poches. On fait une bonne partie du trajet dans un silence ponctué par le bruit de mes talons, puis n'y tenant plus, je lui raconte la scène à laquelle j'ai assisté. Marchant côte à côte, je ne vois pas ses traits se crisper et son visage se déformer sous la colère.

— Quel enfoiré ! Il a beau être mon pote, ça ne se fait pas d'inviter une fille et de s'en taper une autre !

— Fais comme moi, vois le bon côté des choses.

— C'est-à dire ?

— Je n'ai plus à avoir de contact avec lui. Au moins, c'est plus qu'évident qu'il ne se passera rien entre nous. Dans un sens, je suis soulagé, je n'ai pas à lui dire.

Julien me regarde, intrigué, ses yeux plus sombres et envoûtant qu'à l'accoutumé, fixé sur moi.

— C'est pour ça le rire de folle devant l'immeuble ?

— Eh ! Laisse-moi être folle de temps en temps ! lancé-je en lui donnant un coup de coude dans le bras. Et pour ma défense, je pensais être seule.

— Parce que c'est le genre de chose que tu fais seule ?

Je soupire exagérément, et il me rend mon coup de coude en rigolant. En arrivant à l'arrêt de tram, je me surprends à vouloir poursuivre la soirée avec lui, aussi je lui propose de remonter les quais.

— Il fait bon, et il n'est pas trop tard. A moins que tu n'aies autre chose de prévu, dans ce cas, on peut prendre le tram.

— Non, c'est bon pour moi, répond-il le regard déjà tourné vers l'étendu noir que forme la Garonne.

On reprend notre marche en silence le long des quais où le clapotis de l'eau accompagne nos pensées, chacun dans notre coin. On passe devant des groupes de jeunes, regroupés dans l'herbe où l'ambiance est à la fête, préférant la faire ici que dans un bar où une chambre d'étudiant. Etrangement, j'ai envie de faire la conversation.

— Je ne sais pas toi, mais je trouve que ça a un côté apaisant de marché au bord de l'eau la nuit. Je ne sais pas, ça vient peut-être du fait que j'ai grandi sur le bassin d'Arcachon, avec l'océan à proximité, en tout cas, j'aime le clapotis de l'eau la nuit, quand il n'y a rien pour venir troubler sa quiétude.

Je guette une réaction sur le visage de Julien, et une moue effarée y prend place peu à peu.

— J'avais raison, tu es bien folle !

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