Chapitre 18 : Anna

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J'ai ruminé pendant plusieurs minutes dans mon canapé avant de me lever et de faire mon ménage, attachant mes cheveux en un chignon désaturé. Je ne sais pas s'il s'en est rendu compte, mais il m'a blessé, plus encore que Pierre hier soir. A quoi ça sert d'avoir des milliers d'amis, alors que même avec quelques-uns on arrive à être blessé ?

Dans un accès de colère, je jette le chiffon microfibre avec lequel je nettoyais ma bibliothèque et me laisse tomber dans mon canapé. Pourquoi faut-il que le coussin dans lequel j'ai la tête ait pris son odeur ? Une odeur boisée et légèrement épicée, exactement comme lui. Le coussin rejoint le chiffon à terre, et ma tête se retrouve à même le matelas. Je suis tellement habitué à avoir un coussin sous la tête que ma nuque me tire d'être dans cette position. Décidément, rien ne va dans cette journée.

Malgré l'inconfort, je reste quelques secondes de plus avant de me décider à bouger. Je ramasse les affaires qui sont par terre et les remets à leur place, puis reprends le travail minutieux de dépoussiérer mes livres. Comme à chaque fois, j'en attrape certains à la recherche de mes passages préférés, ceux qui m'ont captivé, et je souris face à cette source de bonheur intarissable que représente pour moi toutes ces histoires.

Je n'ai pas le temps de m'extasier plus, mon téléphone sonne depuis ma chambre où je l'ai laissé ce matin sans même y toucher, ce qui n'arrive jamais. Je décroche après avoir aperçu le nom de ma mère sur l'écran.

— Allo maman !

— Coucou ma puce ! Comment tu vas ?

Je retourne dans le salon tout en lui répondant :

— Ça va, le boulot comme d'habitude et vous ?

— Oh ! nous tu sais avec ton père on est au chaud à la maison. Les températures ont pas mal chuté ces derniers jours, tu ne trouves pas ?

— Si, si, réponds-je pour la forme, sachant qu'elle ne m'a pas appelé pour parler de la météo.

— Tu te couvres bien au moins ?

— Oui maman, ne t'en fais pas pour ça, j'ai tout ce qu'il faut.

Il y a un battement, puis ma mère ajoute :

— Il ne te manque plus qu'un petit ami.

Alors voilà où elle voulait en venir avec son appel. Faute de mieux, je serre le coussin qui était par terre quelques minutes plus tôt, et je suis de nouveau assailli par son odeur, c'est ça qui me pousse à dire.

— J'ai rencontré quelqu'un.

Le silence se fait au bout du fil, puis la voix de ma mère qui résonne dans la maison.

— Paul, Anna a rencontré quelqu'un. Attends ! je lui demande si elle vient avec dimanche.

Je me tape la tête contre le coussin, tout en m'insultant, puis je redresse la tête. Sans ce coussin jamais je n'aurais dit une telle chose à mes parents. Rectification, sans mon voisin et son petit-fils, ça ne serait pas arrivé.

— Ma puce, que dirais-tu de venir avec dimanche prochain ? Ta tante sera là, ainsi que Julie et ma collègue Marie. Je voulais te présenter Robin, mais si tu viens accompagner on aura qu'à le présenter à ta cousine.

Et moi qui pensait qu'elle avait oublié le fils de sa collègue. Deux mois sans que j'en entende parler et le voilà de retour. A mon avis, il avait encore une nouvelle copine. Est-ce que je devrais me faire porter pâle ? Après tout, avec le temps qu'il fait, je pourrais très bien choper un virus qui traîne. Je prends une voix sur enjoué pour répondre à ma mère.

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