Chapitre 26 : Julien

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Je me réveille dans un lit qui n'est pas le mien, un corps serré contre moi, et mon bras ankylosé. Hier soir j'avais envie de la voir. Et puis je suis parti tellement vite de sa boutique qu'il fallait que je m'excuse. Il m'arrive souvent de réagir de manière impulsive et après ma rencontre de la matinée, j'ai essayé d'aller en cours, j'ai tenu presque deux heures, avant de me barrer. La tête de con de Pierre ne m'a pas aidé à aller mieux. J'avais même envie d'arranger son autre côté pour égaliser le bleu sur sa joue. Alors j'ai tenté de joindre Tommy, mais je suis de nouveau tombé sur sa messagerie.

Ensuite, je suis rentrée chez mon grand-père, qui dormait dans son fauteuil et a à peine sursauté en m'entendant. Je me suis changé et je suis parti courir. Ça m'a défoulé, mais pas autant que je l'aurais voulu, j'étais encore une boule d'énergie, et à chaque fois que je parvenais à oublier la rencontre de ce matin, elle me revenait au visage comme un ballon accroché à une ficelle. Passez la surprise, il avait l'air content de me revoir, comme si toute ça n'avait jamais eu lieu, comme si je n'avais pas bousillé sa vie, son avenir.

Mon bras gauche toujours bloqué, je me passe le droit sur le visage, et replie mon coude sur les yeux. A côté de moi, ça remue, nos réveilles vont bientôt sonner, le jour se lever et une nouvelle journée commence. J'aimerais pouvoir rester toute la journée au lit, surtout quand un premier réveil sonne, et que le corps à mes côtés grognes, me tirant un sourire.

— Bosse pas...

— Peut-être, mais moi j'ai cours, murmuré-je à son oreille.

— Hum...

Anna vient se coller — encore nu de notre soirée — contre moi. Sa tête sur mon épaule, et son bras sur mon torse.

— Anna, ma belle, faut que je me lève et que je passe chez mon grand-père me changer.

— On se voit quand ?

— Samedi soir ? On se rejoint chez toi à ta débauche ?

— Hum, ok, dit-elle en se relevant, la couette maintenue par son bras sur sa poitrine.

Je me penche vers elle, la trace de mon bras sur son visage, et l'embrasse, puis je me lève, enfile mes vêtements abandonnés au sol la veille, et file chez mon grand-père.

****

J'ai attendu qu'Anna m'envoie un message pour me dire qu'elle était bien rentrée et qu'elle nous avait commandé des pizzas avant d'enfiler mes chaussures pour quitter l'appartement. On est samedi soir, et j'ai refusé l'invitation à sortir de Simon, je n'avais pas envie d'avoir à faire à Pierre.

— Où cours-tu comme ça, mon garçon ?

Le regard de mon grand-père me toise depuis son fauteuil.

— Voir une fille, n'est-ce pas ? Une jolie petite brune à frange.

Je tente de ne rien laisser paraître mais je suis surpris, j'en oublie même comment faire mon lacet. Alors c'est tout naturellement que je demande :

— Qu'est-ce que tu racontes, grand-père ?

— Oh ! tu sais, commence-t-il avant d'être pris d'une quinte de toux. Je suis peut-être vieux mais pas aveugle, continue-t-il la voix éraillée. J'ai bien vu comment vous agissiez en présence l'un de l'autre. Ça m'a rappelé l'époque où j'ai connu ta grand-mère. Je t'ai déjà raconté comment c'est arrivé ?

Je secoue la tête, j'aimerais lui dire que je suis pressé, et qu'il faut que j'y aille, mais son air nostalgique me peine. Je suis venue ici pour m'éloigner de mon passé, mais également pour renouer avec mon grand-père, même si mon père n'est pas ravi.

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