Chapitre 5 : Anna

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La semaine dernière, inquiète de ne toujours pas avoir reçu de post-it de mon voisin, je me suis pointée chez lui afin de lui faire le ménage et les courses, mais il m'a dit ne pas avoir besoin de moi. Aussi j'ai été surprise en début de semaine de recevoir un post-it me demandant si j'étais disponible ce jeudi. Par chance, ayant travaillé celui de la semaine précédente, c'est le cas. Après avoir mangé, je frappe donc chez mon voisin qui entrebâille la porte toujours aussi sécurisée.

— Mademoiselle Anna ! s'exclame-t-il en m'ouvrant la porte. Entrée !

Je ne me fais pas prier et le suis dans son salon, où il prend place dans son vieux fauteuil élimé, juste à côté du canapé dans lequel je m'assois.

— Je suis désolé de ne pas vous avoir contacté la semaine dernière, mais comme mon petit-fils passait son premier vrai week-end ici, je pensais qu'on en profiterait tous les deux pour faire un peu plus connaissance.

Je n'aime pas le « mais » que je sens poindre dans sa voix, aussi j'appréhende la suite.

— Vous savez comment sont les jeunes, ils apprécient leurs grands-parents mais seulement de loin, hors de question de passer du temps avec eux. Pardon, je dois vous ennuyer avec mes histoires à vous aussi.

J'appose ma main sur la sienne, je ne vois pas souvent mes propres grands-parents, et je pense que j'ai comblé le manque de leur absence par mon voisin.

— Vous ne m'ennuyez pas, peut-être que votre petit-fils ne veut pas vous écouter mais ce n'est pas mon cas, et à ce que je sache, je suis encore jeune, non ?

— Ce ne serait pas des rides sur votre front ?

Je porte ma main dessus avant de me rappeler que j'ai une frange et qu'il ne peut pas les voir. Un rire rocailleux lui échappe, suivi d'une quinte de toux qu'il cache dans un mouchoir en tissu.

— Allez-y ! Moquez-vous de moi ! Je vais y aller et vous laisser vous débrouiller.

— Désolé petite, c'était tentant.

Je me lève du canapé et file en cuisine à la recherche de la liste des courses.

— Monsieur Ménard, ne me dîtes pas qu'avec tout le temps de libre que vous avez, vous n'avez pas fait votre liste de course ?

Il me rejoint claudiquant dans la cuisine.

— Pas besoin, mon petit-fils s'en est chargé le week-end dernier entre son footing matinal, et ses sorties avec ses copains. Je ne savais même pas qu'il avait le permis avant de le voir me demander mes clés de voiture.

Un élan de compassion me prend aux tripes devant cet homme à qui je rends visite chaque semaine alors que sa propre famille l'ignore. Son petit-fils habite chez lui mais j'ai plutôt l'impression d'avoir à faire à deux colocs que tout oppose.

Je raccompagne mon voisin à son fauteuil et démarre le ménage de tout l'appartement., puis, après avoir longtemps hésité, je finis par ouvrir la chambre d'ami, vide de pratiquement tout effet personnel. Je fais rapidement le ménage, aperçois le bureau en bois et la chaise que j'ai fait commander à mon voisin, et qui sont maintenant recouverts d'affaires de cours.

De retour dans le salon, je lui demande de me faire part de ses impressions sur le bureau de son petit-fils.

— Je vous dois une fière chandelle, Anna. Julien a été assez surpris en rentrant de voir qu'un bureau tout neuf avait été installé pendant son absence.

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