Chapitre 10 - derrière le regard de glace

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Après une longue traque discrète à travers les rues pavées, Avalon et son père finirent par se retrouver dans un salon de thé moldu. C'était l'endroit parfait pour une discussion sans risque d'être interrompus par des sorciers indiscrets, caché dans une cour intérieure où la seule présence sorcière était la leur.

Ils prirent chacun leur commande. Pendant que son père remuait nerveusement sa tasse de thé, Avalon se perdit dans ses pensées. Elle se demandait si elle devait être ouverte et honnête avec cet homme qui, jusqu'à présent, avait montré peu d'intérêt pour elle. Pourtant, malgré tout, elle ne pouvait totalement effacer le désir d'avoir un père aimant, aspirant parfois à revenir à une époque où elle aurait pu se blottir dans ses bras pour trouver réconfort et sécurité. Mais Avalon n'était plus une enfant de cinq ans, son enfance avait été sombre et solitaire, et cela resterait ainsi. On ne pouvait pas changer le passé.

"Je ne suis pas quelqu'un qui s'excuse habituellement. Jamais. Mais aujourd'hui, je suis désolé pour toi. Tu n'aurais pas dû entendre la conversation avec cet imbécile du MACUSA. Tu n'aurais pas dû tout perdre pour venir vivre dans la demeure d'un homme sombre et arrogant. Et tu n'aurais pas dû me rencontrer dans ces circonstances. Je sais que je ne suis pas l'image parfaite d'un père, et je ne le serai jamais. Ma position actuelle, comme Dumbledore te l'a dit, est risquée et ne me permet pas d'avoir d'attaches. Nous avons rapidement fait détruire tout document te concernant par un employé du MACUSA qui nous devait un service, avant même ton arrivée parmi nous. Je ne sais donc rien de ton histoire, et en réalité, cela m'importe peu. Mais je suppose que Dumbledore a raison en disant que tu as le droit à une conversation. Je te donne 5 minutes, tu peux me poser les questions que tu veux, me dire ce que tu veux, cracher ton venin, je ne dirai rien. Passé ce stade, nous nous séparerons et ça s'arrêtera là."

La voix de son père était lente, ses paroles mesurées. Malgré ses efforts, son ton restait froid. Et il n'avait pas détourné son regard de sa tasse.

"Je ne vous poserai qu'une seule question : pouvez-vous garder pour vous ce que je vais vous dire, ou bien ferez-vous un rapport à Dumbledore?"

"Je ne dirai rien."

Avalon hésita, incertaine si elle pouvait lui accorder sa confiance ou non. Le temps pressait. Inspirant profondément, elle regarda la pluie commencer à tomber, emplissant son cœur d'une mélancolie croissante, puis se lança :

"Je ne sais pas si vous vous souvenez de ma mère, mais moi je m'en souviens. J'ai hérité de la couleur de ses yeux et de son nez, mais rien d'autre. J'avais l'interdiction de demander qui était mon père, sous peine de sévères remontrances. À cette époque, je rêvais d'un père qui, contrairement à ma mère, m'aurait aimée telle que j'étais. Je passais des heures à feuilleter des livres alors même que je ne savais pas encore lire. Je ne supportais pas ses robes roses, et elle ne supportait pas mon désintérêt pour ses propres passions. Je n'étais pas la parfaite petite fille qu'elle souhaitait. Quand j'ai commencé à manifester mes premiers signes de magie à l'âge de cinq ans, elle a explosé de fureur. Je me souviens encore du jour où elle m'a déposée à l'orphelinat en hurlant que j'étais un monstre, qu'elle ne voulait plus jamais me voir. Elle est partie sans un regard en arrière, et n'est jamais revenue. La directrice de l'orphelinat est une cracmol, alors elle savait parfaitement ce que j'étais. Elle me l'a fait payer cher. J'étais isolée, vivant seule au grenier, mon matelas à même le sol. Je vous épargnerai les détails des coups, des heures enfermée dans des placards, des pleurs et de la peur qui me rongeait les os. On me cataloguait comme le monstre à ne pas approcher. À ces moments-là, je rêvais d'un père qui m'accepterait telle que j'étais, avec qui je pourrais parler de livres, sortir me promener, et surtout, qui me protégerait de cette vie cruelle. Mais vous n'êtes jamais apparu. Quand j'ai finalement pu aller à Ilvermorny, ma vie a radicalement changé. Je me suis faite des amies, dont une en particulier qui fut comme un frère jusqu'à sa mort il y a quelques mois. Je suis passée du statut de monstre à celui de petite génie en herbe. J'étais membre de l'équipe de Quidditch, meilleure élève de ma promotion. Les potions sont devenues une bouée de sauvetage, un moyen d'avoir le contrôle sur moi-même, et aujourd'hui, l'art rigoureux des potions, pour reprendre votre expression, reste ma plus grande passion. Je suis douée, véritablement douée, vous savez. Alors, quand j'ai appris qui vous étiez, j'ai été heureuse. Contrairement à ce que vous imaginez, vous étiez l'image même de ce à quoi j'avais rêvé pendant des années. Et je dois admettre que, l'espace d'un instant, j'ai rêvé de pouvoir parler potions avec vous, de partager une passion commune, un cadeau inespéré. Mais on n'obtient pas toujours ce que l'on désire dans la vie, n'est-ce pas ? Alors, ignorez-moi, haïssez mon existence, méprisez-moi, voyez-moi comme un monstre. Je peux supporter cela, je ne suis plus à ça près. Oubliez notre conversation, oubliez-moi."

Avalon avait parlé sans interruption, le regard fixé sur la fenêtre embuée. Pourtant, elle sentit le regard de son père se poser sur elle. Étrangement, au lieu de la honte qu'elle pensait ressentir en se dévoilant ainsi, elle se sentit libérée. Mais alors que les larmes menaçaient de couler, elle quitta précipitamment le salon de thé sans adresser un regard à son père, craignant ce qu'elle pourrait voir dans ses yeux.

À l'instant où elle s'apprêtait à ouvrir la porte de sortie, une question lui parvint.

"Comment avez-vous obtenu des poils de womatou ?"

"Sur un womatou, évidemment !"

Elle répondit sans se retourner, un sourire perceptible dans sa voix. Peut-être avait-elle réussi à susciter un brin de curiosité chez lui ? S'enfonçant dans la rue, Avalon perçut un léger rire de la part de son père, une sensation de chaleur envahissant tout son être. Peut-être que tout espoir n'était pas perdu.

Avalon Pendragon - fille de Severus SnapeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant