Chapitre 37

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Hange était ravie de découvrir son vieil ami Boris derrière la porte. En effet, le petit groupe auquel elle avait appartenu lors de la 92ème brigade d'entraînement avait gardé un contact épistolaire pendant toutes ces années. Seul le gringalet aux cheveux noirs avait disparu depuis plusieurs mois.

Pendue à son cou, les joues rougissantes et le cœur battant, elle en profita pour l'examiner de plus près; il avait maigri, des cernes d'insomniaque soulignaient ses yeux abattus et sa peau blafarde s'étirait étrangement sur ses joues creusés. Ces détails interpelèrent la femme qui décida néanmoins de passer outre.

"-C'est étonnant de te voir ici. Tu n'es pas censé être à la capitale ?

- Hange ... Ça fait environ six mois que je ne vis plus là bas. J'ai quitté les brigades spéciales. Je ne vous l'ai pas dit, je n'ai pas osé, je ne voulais pas vous décevoir.

- C'est pour ça que tu ne nous répondait plus ? Espèce d'imbécile, dit-elle en lui donnant une petite tape sur le haut du crâne, comment ça pouvait nous décevoir ? La seule chose qui nous a déçu c'est ton absence ! On s'en fout de ton travail si ça te plaît !"

Elle lui déposa un bisou sur la joue et l'homme aux cheveux noirs la repoussa légèrement, gêné par son comportement. Elle se laissa faire et lui offrit une place sur un des lits superposés.

" Je ne travail nulle part Hange, je vis juste sur mes réserves. Mais rassure-toi, j'en ai plus pour très longtemps dans cette situation."

Il conclut sa phrase par une quinte de toux qui inquiéta la femme:

"- Boris ? Tu es sûr que tu va bien ? Tu as l'air malade.

- Ne t'inquiète pas. J'ai juste choppé un coup de fr...Commença t'il d'un ton qui se voulait rassurant puis il se stoppa et sa voix se fit plus grave: Je dois te dire quelque chose. C'est important."

Il s'arrêta comme pour prendre du courage mais fut coupé dans sa lancée par Hange qui avait pris la parole.

"Ah bah si c'est juste un coup de froid ! Ça tombe bien que tu ai quelque chose d'important à me m'annoncer car moi aussi j'ai un truc à te dire. Laisse moi commencer s'il te plait, je suis pas sûr d'en avoir le courage encore longtemps. "

Boris pris de court par cette prise de parole n'osa pas soumettre une objection. 

"Je crois que je t'aime, ça fait des années que je le sais au fond de moi mais que je refuse de me l'avouer. Boris regarde moi s'il te plait, je sais que je ne t'intéresse pas, mais il fallait que je te le dise. Malgré les années et la distance, je n'ai jamais réussi à passer à autre chose."

L'homme à ses côtés se figea, un air choqué sur le visage. La binoclarde en profita pour se rapprocher de lui, elle posa une main sur son torse qu'il repoussa:

"- Effectivement tu ne m'intéresse pas. De toute façon, même si tu m'intéressait, je ne veux pas m'engager dans une relation... plus maintenant.

- Tu as toujours préféré les coups d'un soir hein ? Grogna Hange, trop blessé par la réponse de l'homme pour réprimer toute la colère qui naissait en elle, Fré n'avait pas beaucoup apprécié d'ailleurs, la pipe que tu a offerte à Daniel dans les douches a eu plus de succès par contre."

L'homme aux cheveux noirs ne répondit pas tout de suite, trop surprit par ce qu'il venait d'entendre pour rebondir sur cette provocation. Cela donna à la binoclarde le temps de se calmer un peu avant qu'il reprenne à voix basse :

"- Comment as tu su pour ces deux là ?

- Tu es aussi discret qu'un troupeau de vache en transhumance. N'empêche que Fré ne sais pas que je sais. Elle pourrait croire que tu m'as dit autre chose, conclut-elle un sourire sadique aux lèvres.

- Tu sais aussi pour ça ?"

Le sourire d'Hange s'élargit. Boris, ne sachant plus quoi faire pour arrêter cette discussion plus que malsaine, décida de lui donner une partie de ce qu'elle voulait. Il fondit sur les lèvres de la femme qui n'opposa aucune résistance. Il lui fallu quelques instant pour se rendre compte de ce qui lui arrivait. Quand elle comprit enfin ce qui était en train de se passer, le cœur chavirant, elle se décida à approfondir le baiser. Entrainée par ses sensations, son corps fonctionnant comme par automatisme après des années à fantasmer sur ce moment, ses mains partirent se glisser sous le t-shirt de Boris et remontèrent lentement contre son torse. Au bout d'un moment, Boris interrompit l'échange sous le regard dépité de la femme.

" C'est bon tu as eu ce que tu voulais. Je n'irai pas plus loin. Maintenant laisse moi parler."

Déçu Hange baissa les yeux sur ses mains qui caressait encore le torse de l'homme . Le t-shirt était relevé et elle en profita pour admirer sa peau laiteuse qui s'étirait sur ses côtes apparentes et son ventre creux. D'un coup, elle remarqua une nuée de taches sombre plus ou moins grandes qui boursouflait légèrement son épiderme. 

" C'est quoi ça ?"

Prit de panique, Boris redescendit précipitamment son t-shirt sous le regard médusé de la binoclarde.

" Ca ne te regarde pas ! Maintenant si tu permet j'ai des choses à faire en ville."

Il se leva précipitamment et se rua vers la sortie. Cependant sa fuite fut coupée par la voix de la femme.

" Hé mais attends ! Tu voulais me dire quelque chose il y a une minute ! Et puis tu as oublié ta veste."

L'homme parut hésiter. Au bout d'un moment, il ouvrit la bouche prêt à dire quelque chose puis se ravisa. Il reprit sa course vers la sortie en criant à Hange des paroles qu'elle aurait préféré ne pas entendre:

" Tu peux la garder. Adieu Hange. J'espère qu'on ne se reverra pas avant longtemps."

Quelques semaines après, elle reçu la visite du père de Boris, qui, dévasté, l'informa de son décès.

Nuit tombéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant