Chapitre 29

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Un mensonge, puis un autre. Et encore un autre. Finalement, la vérité a-t-elle déjà eu la permission d'exister ?

Un silence de plomb s'installe durant le trajet en voiture. La même paix endeuillée que celle qui hante le regard vide que Zhan, aussi terne que le paysage urbain à travers la vitre. Cette fois encore, l'enchevêtrement de mensonges qui tisse sa vie lui aura permis d'échapper temporairement à une – énième – situation de crise. Mélange de réalité à propos de l'appel à son médecin et de son faux trouble cardiaque. Finalement, le conflit a quand même éclaté ; déjà menaçant, depuis bien longtemps.

Les cris – véritables assauts – du directeur Chan parvenaient à ses oreilles, à peine perceptible. Onde agressive que son gardien se chargeait de recevoir de plein fouet. Le choc passé, face aux accusations cinglantes et injustes de leur supérieur, la courtoisie de Yibo s'en est allée. Les paroles ont fusé. Balles vengeresses d'un lion enragé. Comment cet homme haineux pouvait-il oser cracher son venin sur son amour, l'humilier de la sorte alors qu'il n'était plus qu'une poupée de chiffon sur le sol ? Dans la petite salle d'eau, sa voix tonnait autant que celle de Chan, et elle a été la seule à clore le débat, bafouant les menaces. Que pourrait-il faire, d'ailleurs ? Virer l'un de ses acteurs principaux en plein tournage ? Ainsi, son amant sur l'épaule, Yibo s'en est allé, laissant l'autre pester, s'acharner contre le vent. Zhan et lui étaient déjà déconnectés du monde.

Yibo pose les yeux sur son ami et le voit frissonner contre le siège, malgré la chaleur de son survêtement. A-t-il toujours conscience de la fébrilité de son corps ? Par son regard morne, Zhan semble déjà parti, perdu dans ce ciel à l'horizon de feu. Loin au-dessus de l'étendue de gratte-ciels qui s'étire à perte de vue. Loin de la vie elle-même.

Yibo retire sa veste noire Adidas et la dépose sur ses épaules, en couverture sur son torse.

Ils doivent parler, tous deux le savent. Mais un seul possède encore l'énergie nécessaire à aborder le sujet .

 

Dans le salon, Zhan garde le silence durant une bonne partie de la soirée, posté à la baie vitrée. Yibo tente de trouver la force de briser les murs entre eux plus d'une fois, en vain. Il fait quelques pas timides en sa direction et pose ses mains sur ses épaules. Aussi légers qu'une brise, les premiers mots qu'il lui susurre à l'oreille ont pourtant l'effet d'une agression.

— Il faut qu'on en parle...

Après une longue hésitation, Zhan s'ouvre enfin la bouche pour murmurer quelques paroles fatiguées.

— Y-a-t-il vraiment quelque chose à ajouter...

Yibo dépose dans sa nuque un baiser aussi fragile que l'est sa voix.

— Je ne veux pas te perdre, Ge Ge... Je ne peux pas.

— Pourquoi me dire ça, maintenant...

— Parce que... parce que tu peux choisir de rester plus longtemps.

Zhan se retourne, réprobateur.

— Es-tu vraiment en train de me demander ce que je pense ?

Les pupilles brillantes, Yibo glisse ses mains dans les siennes.

— Je t'en prie, je t'en supplie...! Ne me dis pas que tu vas poursuivre cette vie...

Les doigts de Zhan se retirent lentement. Son visage se referme.

— Tu me supplies donc de m'effacer, de rentrer dans le rang qui m'est imposé et contre lequel je me bats depuis mon adolescence. De sombrer dans l'anonymat et de me cacher chaque jour qui passe pour prolonger une vie où je serai misérable.

Derrière le masque Ω (𝑦𝑖𝑧ℎ𝑎𝑛)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant