Chapitre 39

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Dans l'élégant salon du bar, Zhan reste difficilement en place sur son canapé. Les doigts triturés au-dessus de son ventre noué, il se retient d'envoyer un texto à Yibo. Recevoir un brin d'amour lui ferait le plus grand bien, mais même le message le plus classique pourrait le trahir ; ce garçon lit ses émotions comme dans un livre ouvert.

Il ébouriffe ses cheveux d'une main nerveuse. Pourquoi ce sale type n'est-il pas encore arrivé ? Le barman finira son service à deux heures soit, dans dix minutes. Si trop de monde aux alentours représente un risque pour son secret, se retrouver seul avec cet alpha dans un lieu désert est bien trop dangereux, de nuit. Au moins une personne devrait se trouver dans les parages.

Si cet enfoiré me refait le même coup que dans la salle de réunion...

Le serveur est déjà en train de se préparer à la fermeture – le salon s'est vidé de son dernier solitaire depuis bien trente minutes. Un dimanche soir, peu de gens sont encore éveillés à une heure si tardive.

Mais que fait ce salaud ? Je lui ai pourtant dit à une heure trente. Est-ce qu'il joue avec mes nerfs ?

Pour se rassurer, Zhan plonge sa main dans sa poche, sur la bombe au poivre que lui a remis Jun. En ce moment, le garde du corps doit déjà être dans son lit. Le bien-être sécurisant de son confort, dans les bras chauds de son épouse, le rend envieux. Lui est toujours ici, seul. Il frissonne. Yibo lui manque.

Plus les minutes défilent, plus l'angoisse lui ronge les entrailles. Il en a la nausée. Cette sensation de se voir comme un être fragile le fait grincer des dents. Cette vulnérabilité l'exaspère ; la nature est fort injuste. Il bouge la tête, son cou craque. La fatigue n'arrange rien à sa nervosité. Des jours d'insomnies, aucun repas correct...

Bientôt. Tout ceci prendra fin bientôt. Le témoignage des deux dernières victimes de son maître chanteur pèsera dans la balance, en sa faveur. Les menaces et manipulations de ce genre ne sont pas sa tasse de thé, tout cela lui donne plutôt envie de vomir ; il a l'impression de jouer au même jeu infect qui est le sien, d'imiter sa sournoiserie. Mais pour se protéger et préserver ses amis, il n'a pas d'autre choix. Reste à espérer que la crainte de se voir accuser d'attouchements sera suffisamment convaincante aux yeux de Yu Huang. Après tout, sa carrière est tout ce que cet homme semble posséder dans la vie.

— E-excusez-moi, vous partez... ? s'inquiète Zhan en regardant le serveur quitter son bar.

— Désirez-vous autre chose, monsieur ?

— Je...

Retenir le barman en commandant un second verre n'est pas la meilleure des idées, mais que faire d'autre ? La réception est vide, les veilleurs de l'hôtel sont dehors...

— Monsieur ?

— Je... oui, servez-moi un Jäger, je vous prie.

La simple évocation de l'alcool lui retourne l'estomac. Il est réellement dans le pire état pour gérer une situation pareille. Le barman dépose le liquide noir sur la table basse et Zhan lui offre un généreux pourboire pour négocier un peu de son temps.

— Je sais que cela va vous paraître étrange, mais pouvez-vous...

— Bonsoir, excusez-moi de vous avoir fait attendre !

Cette voix, dans son dos. Un frisson glacé remonte le long de son échine. Sa gorge se serre et ses poings se crispent sur ses genoux.

— Vous êtes en retard, grommèle-t-il en cachant sa tension derrière la rancœur. Vous savez que mes journées sont surchargées.

— Mille excuses, j'ai dû trouver une fausse raison pour m'absenter en pleine nuit. Moi, je n'ai pas de chauffeur... susurre niaisement le chef d'équipe en s'asseyant sur le fauteuil solitaire d'en face.

Derrière le masque Ω (𝑦𝑖𝑧ℎ𝑎𝑛)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant