Chapitre 40

639 100 145
                                    

Zhan demeure ahuri, sidéré. Le danger vient de s'envoler avec ce simple CLAC. En sécurité. Il est en sécurité. C'est à peine croyable. À travers la baie vitrée sans rideaux, la pleine lune éclaire la chambre par sa clarté diffuse, la plongeant dans une semi-pénombre bleutée. Encore paralysé par sa précédente angoisse, Zhan reste allongé sur le dos en appui sur ses coudes, à fixer cette porte close qui le sépare du monstre. Un sanglot nerveux lui monte à la gorge, mais retombe aussitôt en même temps que ses forces l'abandonnent. Ses bras lâchent, son corps subit l'apogée de la substance.

Le silence anormal qui provient du couloir l'inquiète ; une hantise qui met fin à son soulagement. Quelque chose ne va pas. Une chose qui le terrifie. Ses yeux ne peuvent se décrocher de cette poignée immobile. Elle va bouger. Elle va bientôt bouger, et...

Sa respiration se bloque. Il se laisse rouler sur le ventre, lève la tête et contemple la carte, tombée à un mètre devant lui dans la chambre. Ce mécanisme-là, la porte... Elle n'est pas verrouillée. Son souffle se coupe.

CLAC.

Une plainte se mure sur sa bouche scellée. Sous son regard écarquillé, la lumière du couloir se dessine à nouveau sur la moquette. Cinq centimètres, puis dix. Puis vingt. L'horreur reprend forme, cette fois, sans absolution.

Il rampe sur ses membres amorphes dans l'embrasure de la lueur qui éclaire son dos, annonciatrice de sa perte. Et alors qu'il se traîne jusqu'à la porte de la salle de bain, celle de la chambre se referme.

CLAC. Le geste qu'il aurait lui-même dû faire il y a quinze secondes enclenche l'épouvante. Le sécurise avec son cauchemar.

— Tu es résistant pour un être faible. Je suppose que c'est pour ça que tu parviens encore à ramper, lance Yu Huang en ouvrant les premiers boutons de sa chemise.

Comme s'il n'était qu'une plume, le chef d'équipe soulève son captif et le dépose sans aucune délicatesse sur le lit.

— Peut-être que j'aurai simplement pu te demander de l'argent, dit-il tout en lui retirant sa veste et son t-shirt Gucci. Hmm... Je pourrais toujours le faire une fois que j'aurai mes photos.

Une fois sa victime étendue sur le matelas, à moitié dévêtue, il s'agenouille entre ses jambes et dégaine son smartphone. Le front brûlant et les yeux vitreux, Zhan laisse sa tête rouler sur le côté. Son esprit dérive.

— Si tu ne m'avais pas menacé, on n'en serait pas là, maugrée Yu Huang avec une profonde amertume.

Après quelques clichés assez explicites à son goût, il se penche et lui susurre à l'oreille quelques paroles plus chargées de haine que d'une quelconque envie charnelle.

— Puisqu'on y est, tu sais quoi ? Quand j'avais ton âge, j'ai tenté ma chance, moi aussi. Plein de castings, et chaque fois la même réaction : « un talent fou », qu'ils disaient. Mais ma gueule, elle, elle n'est jamais passée.

Son haleine embuée d'un vieux rhum effleure le cou brûlant de l'acteur. Rancunière, sa jalousie lui fait grincer des dents.

— Dommage pour toi. Tu es celui qui a fait déborder le vase.

Il se redresse et laisse ses doigts glisser sur sa peau de porcelaine. Lorsque Zhan tente de bouger, il applique une main sur son torse et le maintient avec facilité.

— Tu crois vraiment que...

Un bruit sourd, à plusieurs reprises. Puis plus rien.

Hu Yuang fronce un sourcil avant de reprendre ses affaires. Mais à nouveau, des coups, bien perceptibles cette fois. La voix qui les accompagne également.

Derrière le masque Ω (𝑦𝑖𝑧ℎ𝑎𝑛)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant