Chapitre 53

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Noël. Une période plus si éloignée que cela. Promesse d'une triste solitude encore jamais vécue pour Zhan. Le chagrin pèse d'heure en heure, chaque jour se teinte de sépia. Les nuits sont plus froides, les journées plus solitaires. La foule qui peuple les plateaux de show TV ou de tournage, n'est qu'un tumulte bruyant. Car le monde n'est rien lorsque l'âme accuse le poids du cœur.

Suivre le rythme s'avère difficile, et la distance entre eux apporte sa part de désarroi. Le jour de leurs retrouvailles est bien trop lointain pour être source de réconfort. Le temps sera long. Très long.

Bien qu'il noie toujours son chagrin dans l'art ou le travail, Zhan ne parvient plus à se concentrer, l'esprit égaré dans les souvenirs. Six mois ? sept ? huit ? Combien devront-ils attendre... Seulement une semaine est passée mais cette attente interminable dans le doute rend le temps aussi long qu'une vie.

Des éclats de voix grondent. Il lève les yeux et se prend son script en plein visage de la main du réalisateur. Humiliation publique. Les mots fusent et l'écorchent. Il doit se reprendre, vite.

À la sortie des studios, après une douche chaude bien méritée, Zhan quitte les lieux, son téléphone à la main. Un message illumine l'écran de son iPhone dans la pénombre du soir.

Il se retourne et déglutit. L'homme qui l'a harponné durant des heures accourt en sa direction.

- Monsieur Wu, répond-il en s'inclinant, déjà crispé.

Le directeur se plante devant lui et le considère de haut.

Un bruit assourdissant vrombit. Une grosse moto noire (routière élégante) dessine un demi-cercle dans un long crissement jusqu'à s'arrêter devant eux. Le casque aux motifs verts et au « 85 » bien visible n'a aucun secret pour Zhan. Wu contemple ce mal élevé de haut en bas et tire une grimace irritée.

- Yah ! Ça va pas la tête ?!

Ignorant l'individu qui importune son homme, Yibo l'invite à le rejoindre à l'arrière de sa cylindrée, une main tendue. Zhan hésite un instant, puis le besoin viscéral de retrouver son amour dirige ses pas. Il récupère le deuxième casque et prend place dans son dos. La moto décolle dans un vacarme volontaire, assez assourdissant pour briser les tympans de l'acariâtre.

Arrêtés un peu plus loin à un feu rouge, Zhan interroge son conducteur.

- Je croyais qu'on ne devait plus se voir...

- C'est vrai, on ne le doit pas.

- Mais...

- On va faire un long trajet. Enfile ça, déclare Yibo en lui glissant un autre blouson de cuir. Je dois t'emmener quelque part.

Le choix de la routière confortable prend son sens. Zhan n'en demande pas plus. Sa confiance en son partenaire est aveugle. Tout ce dont il a besoin est de retrouver sa chaleur, ce réconfort est vital avant d'affronter ces mois de calvaire. Il s'accroche à sa taille de toutes ses forces et pose sa tête sur son épaule, frustré de ne pouvoir sentir ni son odeur ni la tendresse de sa peau. À défaut, ses mains se logent sur son torse et ses doigts s'agrippent à son cuir. Il ferme les yeux. Le feu passe au vert. Le bruit exaltant de l'évasion.

Le mont Lianfeng, ses forêts de pins et de cyprès se dévoilent. Un ou deux pavillons aux cloisons scintillantes accrochés aux pentes abruptes lointaines fournissent quelques indications sur les lieux en approche. Il est presque vingt-trois heures trente lorsque l'étendue d'eau de la baie se dessine dans l'obscurité. Leur route s'achève sur le long et large trottoir qui longe la station balnéaire de luxe. Zhan ouvre de grands yeux ébahis.

- Běidàihé*... ! Je ne te pensais pas aussi fou, Lao Wang ! s'écrie-t-il, littéralement soufflé.

- Attends la suite, répond Yibo en ôtant leurs deux casques.

Derrière le masque Ω (𝑦𝑖𝑧ℎ𝑎𝑛)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant