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Kenma inspira lentement en fermant les yeux. Un jour, il ne les ouvrirait plus jamais, et il sentait que ce jour était de plus en plus proche. Il avait l'impression de devenir l'ombre de lui-même. C'était très dur de pouvoir toujours réfléchir, avoir toutes ses capacités cérébrales, et voir son corps dans l'incapacité de suivre.

Il réfléchissait surtout aux autres, à comment tout le monde allait vivre le moment où il partirait. Il avait beaucoup de mal à penser à lui. Il l'avait trop fait. Et puis, y penser plus ne changera pas la donne.

Dans son processus d'acceptation, il avait d'abord été très triste, puis avait eu très peur. Qu'est-ce que c'était la mort ? Comment on se sentait ? Ca faisait quoi de dormir pour toujours ? Est-ce qu'il se réincarnerait ? Si c'était le cas, il aurait aimé renaître dans un univers parallèle, où il aurait pu être heureux plus longtemps avec Kuroo. Il n'enviait la vie de personne, sauf une où ils s'aimeraient sans limite. Puis la peur avait laissé sa place à la nonchalance. Il souffrait tellement qu'il en serait soulagé. Il n'avait pas de regrets, Kuroo et ses amis l'avaient aidé à immortaliser chaque instant. Si la mort venait cueillir Kenma, il la laisserait prendre sa souffrance et son bonheur. Il était prêt. Il pourrait sourire.

Le plus dur, c'était presque ce moment d'attente, où il voyait les autres avoir de plus en plus peur.

Le blond rouvrit les yeux quand il entendit la porte de sa chambre s'ouvrir. Son regard se posa sur sa mère. Elle abordait un sourire doux. Dès qu'elle entra, la chambre se chargea d'une odeur chaleureuse. Sa mère était l'exemple même de la douceur et de la bienveillance. Il savait qu'il pouvait lâcher les armes quand elle était là.

« Comment tu te sens chéri... ? Murmura-t-elle en venant prendre place à côté de lui sur son lit.

- Je pense qu'on devrait préparer un sac pour l'hôpital... »

Entendre ces mots de la bouche de son fils la bouscula. Kenma lui, gardait un air doux.

« Tu es sûr ?

- Ma migraine ne se calme pas, et j'ai à peine faim. »

La mère hocha la tête en posant une main sur la joue de son fils. En temps normal, Kenma aurait marmonner et éloigner son visage d'elle. Mais là, il s'y frotta presque. Sa main était si chaude. Lui avait tellement froid.

« J'appelle Kuroo ? Elle se leva, ajustant ses vêtements. »

Le regard de sa mère était fuyant. Elle faisait toujours ça quand ses yeux se chargeait de larmes. Elle ne voulait pas que Kenma la voit pleurer, mais elle le cachait de plus en plus mal.

Kenma hocha rapidement la tête. Oui, il voulait voir Kuroo. Il n'aimait pas lui imposer sa tristesse, mais c'est lui qui lui avait dit qu'il voulait être là. Et puis, ils étaient mariés maintenant. « Jusqu'à ce que la mort vous sépare » du moins.

« S'il te plait. »

*

Kuroo raccrocha et regarda son téléphone portable pendant quelques secondes. Il ne pouvait pas s'empêcher de frisonner et d'avoir peur. Il avait l'impression que toutes les preuves étaient devant ses yeux. Kenma ne mangeait plus et souffrait. Il avait perdu du poids, il ne pouvait plus marcher et s'épuisait à ne rien faire.

C'était le début de la fin, il en était convaincu.

Il ravala la boule de tristesse qui venait de se créer dans sa gorge et enfila ses chaussures. En quelques minutes, il se retrouva chez son époux.

« Salut, Kenma pinça les lèvres dans un petit sourire.

- Hey, répondit Kuroo en venant embrasser ses lèvres rapidement. Elles étaient sèches. »

Tetsurou prit place à côté du jeune homme et l'admira un instant. Il posa une main sur sa joue, caressant celle ci de la pulpe de son pouce. Ses yeux dorés brillaient toujours du même éclat, ses cheveux avaient un peu poussé, mais le blond faisait toujours autant ressortir son visage. Sa peau était douce.

« Tu es magnifique.

- Dis pas de bêtise, Kenma souffla du nez en détournant le regard.

- Kenma. Kuroo insista plus sérieusement pour qu'il repose ses yeux sur lui, ce qu'il fit. Tu es magnifique. »

La détermination dans les mots de Kuroo le fit frissonner. Il n'ajouta rien et posa sa main sur la sienne, la serrant un peu plus près de lui.

Ce genre de moments étaient de plus en plus rare. Quand ils se voyaient, Kenma s'endormait toujours rapidement dans les bras du plus grand. Les fois où il était réveillé, ils discutaient ou se posaient devant un film. Mais voilà, des moments à réellement profiter de l'autre et de sa présence et pour réaliser, c'était moins souvent.

« Chéri, tes affaires sont prêtes. La mère du blond entra dans la pièce et posa son regard sur les deux jeunes hommes. Elle sourit au brun avant de se tourner vers son fils. Ca va ?

- Kenma passa de sa mère à Kuroo avant de se redresser. Oui, je n'ai pas peur.

- Tu es courageux chaton. »

Kuroo se leva et aida Kenma à s'installer dans le fauteuil roulant. Il avait l'impression de porter de l'air tellement le blond était léger. Il l'habilla un peu plus pour qu'il n'ait pas froid dehors, et en profita pour embrasser son front.

Kuroo arrivait très bien à cacher ses émotions. Il faisait tout pour être réconfortant, mais à l'intérieur de lui, c'était une autre guerre. Ses intestins se serraient, son coeur battait fort et il commençait à avoir trop chaud. Il se rendait compte que l'amour et la peur provoquaient les mêmes réactions. Quelle ironie.

Kenma fut admit à l'hôpital sans aucune opposition de la part du personnel. Kuroo resta avec lui, longtemps. Puis quand celui-ci tomba de fatigue, il partit faire un tour.

L'air du mois d'avril glissait sur sa peau. Ca faisait du bien, il commençait à faire chaud. Mais ça ne le soulageait pas. Il sentait son coeur devenir tellement froid qu'il aurait aimé que le monde autour de lui le soit aussi. Il aurait aimé se sentir moins seul dans sa peine, mais même la météo semblait fêter l'affaiblissement de Kenma.

Kuroo se sentait seul dans sa tristesse. Tout le monde perdrait un ami. Mais il serait le seul à perdre son âme-sœur. Il ne savait plus à qui parler, ou comment extérioriser. Il avait vraiment l'impression de mourir en même temps que Kenma. Il aurait peut-être préféré au final. 

1 8 3 | KUROKEN | HaikyuuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant