J+J'ai entendu ta voix cette nuit.

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Je rejetai mon visage le long de la baignoire en soupirant d'aise. Des frissons parcoururent tout mon corps en même temps qu'un filet de sang s'échappait d'une de mes coupures. J'aurai aimé épargner la maison de Bokuto de mes souffrances, mais je n'arrivais pas à dormir cette nuit encore. 

     Mon corps n'en pouvait plus. Rien n'allait, je sentais que je devenais l'ombre de moi-même. Je ne me reconnaîtrais même pas dans la rue tellement j'avais changé. Autant physiquement que mentalement. Je n'étais plus personne. 

     J'enroulai mes bras dans un bandage et remit mon pull par dessus. Après avoir nettoyé le bazar que j'avais causé, je jetai un coup d'oeil à mon visage. En voyant l'état de mes cernes, je me mis à fouiller dans l'armoire à pharmacie. Sans avoir à chercher bien loin, je pris une boite de médicament et avalai directement deux cachets. 

     C'était le train de vie que je menais depuis quelques mois. Quand la souffrance était de trop, je me faisais du mal. Ca arrivait de moins en moins souvent, mais c'était toujours de trop. Et quand le sommeil venait vraiment à manquer, je le provoquais avec des médicaments. 

     Mine de rien, Bokuto m'aidait beaucoup. Son esprit simple me permettait de me concentrer sur l'essentiel quand j'étais avec lui. Les pires moments étaient surtout la nuit, quand j'étais seul et que ma seule pensée était Kenma. 

     Sans faire le moindre bruit, je quittai la salle de bain et rejoignis la chambre de Koutarou. D'un coup d'oeil, je pus voir qu'il dormait comme un loir. Ainsi, je me remis dans mon futon, et le sommeil ne tarda pas à m'emmener. 

*

    « Tu penses qu'on vivra heureux toute notre vie Kuro ? »

     Kenma inclina la tête doucement, attendant ma réponse à sa question. 

    « Bien sûr que oui, murmurai-je dans un petit rire. Pourquoi pas ?

- Je sais pas, si tu continues à me prendre ma console, ça durera pas très longtemps ! »

     Le blond croisa les bras en m'administrant un regard noir, arquant un sourcil. Je sortis de ma poche sa PSP, et l'agitai au dessus de lui sans le moindre scrupule. Avec son mètre soixante, même en levant les bras, il ne l'attraperait pas. 

    « Kuro ! » 

     Je ris en le voyant galérer, jouant à l'approcher de lui pour lui éloigner directement. 

    « Kuroo !... Kuroo ? » 

     Mes yeux papillonnèrent quelques instants pour pouvoir s'habituer à la luminosité de la pièce. Je tournai la tête de gauche à droite pour voir d'où venait tout ce bruit, avant de voir Bokuto accroupi à mes côtés. Ses sourcils étaient froncés et il avait l'air inquiet. 

    « Qu.. Qu'est-ce qu'il y a ? Je me raclai la gorge et me rehaussant sur mes mains. Le soleil était déjà haut dans le ciel et me faisait très mal aux yeux. 

- Tu... Tu pleurais dans ton sommeil... »

     Automatiquement, je portai ma main à mes yeux, et effectivement, mes joues étaient trempés. D'un coup, tout mon rêve me revint en tête. 

    « Je... J'ai entendu sa voix... Il était là Bokuto ! »

     Mon ami pinça les lèvres en secouant doucement la tête de gauche à droite. Ses joues étaient un peu rouges et ses yeux brillaient. 

    « C'est pas possible, Kuroo... Kenma n'est..

- Je sais... Je sais. »

    Je baissai les yeux sans savoir quoi dire de plus. Je sentis le regard de Bokuto sur moi quelques secondes avant de se lever. Pour lui aussi, la situation était difficile. Bokuto est très émotif, et forcément, voir un de ses meilleurs amis s'effondrer jour après jour devait être dur. Il était très courageux, et c'était vraiment quelqu'un sur qui je pouvais compter. Malgré la douleur qu'il devait ressentir, il m'aidait plus qu'il ne le pensait. 

    « Merci, Bokuto. »

     Pour la première fois depuis des mois, mes lèvres formèrent naturellement un sourire. Aussitôt, le visage de mon ami se détendit et il me sourit aussi en retour. Il s'inquiétait juste énormément pour les autres. C'était dur de jouer l'éponge comme ça. 

    « Je vais aller voir Akaashi, cet après-midi, tu viens avec moi ? Ca te changera les idées. 

- Je pinçai un peu les lèvres pour réfléchir. J'avais déjà assez inquiété Bokuto pour aujourd'hui. Oui, je vais me préparer, attends moi. »

     Il hocha la tête, souriant grandement, avant de sortir de la chambre. 

     Moi, mes zygomatiques descendirent maintenant que j'étais seul. La voix de Kenma était si clair dans ma tête. J'avais l'impression qu'il avait été avec moi cette nuit. Mais comme Bokuto l'avait dit, ce n'était pas possible. Je me réveillais, et le cauchemar ne s'arrêtait jamais. J'essuyais une énième fois mes joues trempées de larme, et me levai. 

     J'allumai l'eau de la douche. La chaleur m'arracha une grimace quand elle passa sur la plaie que je m'étais fait la veille. On avait déjà parlé de ces choses avec Bokuto, mais je n'arrivais pas à lui dire que j'avais encore ce genre de crise, où mon besoin de ressentir dépassait mon besoin d'exister. Il savait que ça m'arrivait, mais je n'arrivais pas à lui dire clairement quand je craquais.

     Je pris la lame de rasoir entre mes doigts, car la voix de Kenma résonnait en moi, et que je voulais que cela cesse. Mais au moment de me taillader, mes doigts se crispèrent, et je ne pus m'y résoudre. Je ne voulais pas entacher sa voix de mes blessures. Je voulais qu'elle reste fluide et clair dans ma tête, avant que je ne l'oublie pour toujours. 

    En sortant de la douche, je refis mes bandages et m'habillai rapidement. C'est en posant la main sur la poignée de la salle de bain que je remarquai les deux alliances. J'avais de plus en plus de mal à les regarder, mais je ne pouvais me résoudre à les enlever. J'aurai l'impression de trahir Kenma. Pourtant, c'était dur de le sentir toujours là, et que ce ne soit pas le cas. C'était comme une pression de chaque instant sur mes épaules. Alors je soufflai juste quelques mots que je pensais depuis déjà trop longtemps. 

    « Le pire, c'est d'être marié à un fantôme... »

1 8 3 | KUROKEN | HaikyuuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant