J+J'aurais préféré ne jamais t'avoir connu.

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Pour dire au revoir, il faut avoir du courage. Surtout que c'était par fatigue et par lâcheté que je m'étais forcé à lâcher prise. Mais comment totalement le faire avec ces deux alliances à mon annulaire ? 

     J'avais essayé de les retirer, mais ca signifiait encore trop pour que je les laisse loin de moi plus de quelques secondes. 

     Voilà sept mois depuis que Kenma nous avait quitté, et seulement deux semaines depuis ma tentative de suicide. C'était encore dur, je n'allais pas mentir, mais ça allait mieux. Kenma hantait encore beaucoup mes pensées, bien sûr, mais j'essayais de tout mettre dans un coin et me focaliser plutôt sur les gens qui étaient avec moi au moment présent. C'est comme ça que j'ai commencé à prendre de la distance avec lui. D'abord en faisant cet effort, mais c'est devenu une habitude de penser à d'autres choses. 

     J'évitais de regarder ma main gauche depuis, pour ne pas remuer les souvenirs que j'effaçais de ma mémoire. 

     J'enfilai une veste et mis mes chaussures. Je devais voir Yaku et Lev aujourd'hui. Le temps était redevenu froid et maussade, les gens avaient plus tendance à être triste avec la saison. Ca ne m'aidait pas vraiment, mais mes amis étaient là au moins. 

    « Kuroo ! »

     Je tournai la tête vers le son de cette voix, pour finalement voir Yaku approcher en faisant un petit geste de la main. Lev était sur ses pas, ils arrivaient avec le sourire. 

    « Alors, on va boire ce café ? Lev frotta ses mains entre elle pour créer de la chaleur.

- C'est parti ! »

     J'hochai vivement la tête et les suivis sans rien dire de plus. J'aimais les voir comme ça, dans cette atmosphère festive de Noël. Ils avaient réussi à faire le deuil d'un ami, j'étais rassuré qu'ils n'aient pas eu à faire le deuil d'un deuxième. Parfois, je me félicite vraiment d'avoir réussi à ouvrir les yeux sur ce que j'avais, plutôt que me focaliser sur ce que je n'avais plus. 

    « Comment ça se passe la fac Yaku ? Je ne les avais pas vu depuis quelques temps à cause des cours à l'université du plus petit. Lev, quant à lui, était toujours au lycée et en plein dans les examens de trimestre.

- Ca va super ! L'équipe de volley est super forte, je te cache pas que y'a bien que là dedans que je cartonne. Le roux rigola et attrapa le chocolat chaud que le plus grand lui tendait.

- Et les sciences, déconne pas, rétorqua Lev en faisant la moue.

- Et les sciences.

- Et toi Lev, alors ?

- Boh, le volley et le lycée en général, c'est moins drôle sans vous. C'est sympa, les premières années sont cools aussi, mais on se marrait plus avec nos terminales. Lev attrapa cette fois mon café noir et me le tendit, puis prit son thé.

- Yamamoto s'en sort bien lui ? Il a encore pas assassiné un première année ? Je rigolai en guidant mes amis jusqu'à une petite table.

- En vrai, il est génial. C'est un peu le grand frère de l'équipe. »

     L'Haiba prit place à côté de Yaku. Il porta ses lèvres à son thé, alors que le roux posa son visage au creux de sa main. 

    « Toi, comment ça se passe ? Il fit une petite moue, prouvant bien qu'il savait pas trop à quoi s'attendre. »

     Je pris une minute pour réfléchir à quoi répondre, à comment je me sentais vraiment, et à comment éviter à mes amis de s'inquiéter encore pour moi. 

    « Ca va mieux. Je fis un petit sourire en buvant une gorgée de café, avant de reprendre. Avec ma tentative de suicide... J'ai prit peur de qui j'étais, et de ce que Kenma avait provoqué. Aucun de nous d'eux n'aurait voulu de tels extrêmes. J'haussai les épaules. Quand on touche le fond, on a pas le choix que de remonter.

- Je suis content de t'entendre dire ça... Soupira Lev. Tu es courageux, Kuroo.

- Tu as réussi à l'oublier ? Murmura Yaku en plantant ses yeux dans les miens. »

     La conversation me mit tout de suite mal à l'aise, car je faisais des efforts incommensurables pour l'oublier. Je remplaçais chaque pensée pour lui en autre chose, pour qu'il disparaisse de ma tête. Je ne pouvais pas éviter la conversation, mais elle remuait des choses que je voulais pas remuer maintenant. 

    « J'y travaille. »

     On discuta encore un moment avant de se séparer devant le café. Je me sentais bien de les avoir vu, ça me faisait un peu changer d'air. Bokuto était génial, mais voilà, voir des têtes un peu différentes, c'était quand même bien. 

     Pourtant, dans tout ça, je me sentais un peu bizarre. Afin de pouvoir réfléchir un peu à ce que j'éprouvais à cette seconde-ci, je m'éloignais du centre de Tokyo pour arriver dans un petit parc. Il n'y avait personne, c'était relativement calme. Il y avait juste le bruit des insectes et des animaux. Je pris place sur un banc, et soufflai lourdement. 

     En fait, j'étais déçu de moi. Déçu de voir que parler de Kenma me faisait quelque chose de négatif. Je m'énervais tout seul. J'avais prit des résolutions, et pourtant, une simple évocation me faisait cogiter. Tant que je pouvais contrôler les moments où je parlais de Kenma, ça pouvait aller. Comme je ne pouvais pas contrôler les autres, évidemment, c'était plus inattendu et faisait bien plus mal. Sur le coup, je m'en voulais tellement. Je pensais que le travail que j'avais fait depuis deux semaines avait été utile. Mais finalement, j'étais toujours aussi nul. Je mettais tout de côté pour éviter d'avoir mal, et là, je me prenais le contrecoup à chaque évocation de Kenma. J'aurai aimé ne plus avoir mal quand je pensais à lui, mais au final, j'évitais juste de penser à lui. Contourner le problème ne le réglait pas. 

     Parfois, j'aurais préféré ne pas avoir connu Kenma. Peut-être qu'au long terme, ce serait quelque chose de positif et je deviendrai la meilleure version de moi-même, mais pour le moment, c'était toujours aussi douloureux. C'était incroyablement égoïste, mais je lui en voulais de m'avoir laissé seul, et de m'avoir fait traversé des épreuves aussi dures. Je lui en voulais de nous avoir construit des souvenirs que je galérais à effacer de ma mémoire. Je lui en voulais presque d'avoir existé. 

     Et puis, la plupart du temps, j'étais incroyablement reconnaissant de tout ça. Ce n'était plus l'incompréhension ou la tristesse qui parlaient, mais bien la colère. C'était plus facile de tout mettre sur le dos de quelqu'un qui ne peut plus se défendre. 

     Je me rendais bien compte comme c'était puéril. En général, je m'en voulais vingt fois plus après avoir eu ce genre de pensées négatives. Kenma était beau comme un désastre. Il avait certes, tout fracassé, mais je ne le remercie jamais assez d'avoir été auprès de moi pendant toutes ces années. 

     Mon regard se posa sur ma main gauche, et mes deux alliances. Je pris celle de Kenma entre mes doigts, admirant la gravure qui était dessus. 

     J'en pouvais vraiment plus de ressasser le passé. Nier la douleur et nier Kenma étaient inutiles, mais je voulais avancer vers un monde meilleur, un monde où son souvenir ne serait pas comme un boulet à mon pied. 

     Ce jour là, en rentrant chez Bokuto, pour la première fois depuis sept mois, je retirai les alliances et les confiai à Koutarou. Il les rangea loin de ma vue, comme à ma demande. Ne plus sentir l'argent à mon doigt serra mon coeur, mais je sentis aussi comme un poids s'envoler. 

     Sans ce rappel permanent de ce que j'avais perdu, je pourrais me réapproprier ma vie, et honorer Kenma comme je me devais de le faire. 

     Il fallait que j'avance. Le boulet devenait trop lourd à porter.

1 8 3 | KUROKEN | HaikyuuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant