J+143... Je crois.

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« Kuroo... Parle moi. »

Que veux tu que je te dise Yaku ? Que je ne sais plus quoi faire ? Que je ne suis pas sûr d'avoir vécu sans Kenma un seul moment dans ma vie ? Que je suis perdu, et que je déteste cette foutue vie qui me l'a arraché ? Etait-ce ce qu'il voulait entendre ? Non. Il attendait ce que tout le monde attendait de moi. D'être fort. Mais je n'y arrivais pas. Je ne pouvais pas l'imaginer.

Certes, Kenma avait voulu que tout le monde accepte son décès et que personne ne lui fasse de peine, mais ce n'était pas la réalité. Je n'arrivais pas à concevoir un moment où je ne serai pas triste.

« Kuroo ? »

Yaku posa sa main sur mon épaule, et aussitôt, je me dégageai de son emprise d'un coup bref.

« Laisse moi, répondis-je froidement.

- Il n'en est pas question. Je préfère encore supporter tes humeurs que te laisser seul.

- Qu'est-ce que ça peut te faire de toute façon ? »

Mes mots dépassèrent ma pensée. Je savais bien que Yaku voulait juste être là pour moi et qu'il faisait de son mieux pour me venir en aide. Mais j'avais juste besoin d'un peu de silence pour calmer le bruit dans ma tête.

Je me renfrognai un peu plus sur moi, encerclant mes jambes avec mes bras.

« Tu sais... Que Kenma voulait éviter ça ? Le roux pinça les lèvres en se levant, plantant ses mains dans ses poches.

- Arrête de me parler de lui, s'il te plait. »

J'aurai juste aimer tout mettre en pause quelques minutes. Tout oublier. Plus de Kenma, plus d'hôpital, plus rien. Plus de tristesse. Pendant juste quelques instants.

Je fermai les yeux en prenant une inspiration. Mes yeux me faisaient mal, ils étaient gonflés et rougis. J'avais tellement pleuré que j'étais juste épuisé, et qu'aucune autre émotion ne sortait de mon corps.

J'entendis quelques pas dans l'herbe, comprenant que Yaku me laissait enfin seul. Là, je rouvris les yeux. La ville s'étendait sous mon regard. Les lumières de la capitale éclairaient même le ciel, empêchant les étoiles de briller.

Mon regard se perdit un instant sur ce ciel à peine étoilé. Est-ce que Kenma était là, quelque part dans cette étendue ? Est-ce qu'il était devenu une nouvelle étoile ? Qu'est-ce que c'était au final ce « là-haut » dont tout le monde parle tout le temps ? Mon coeur se serra en me rappelant qu'encore une fois, je ne le reverrai plus jamais. C'était très dur à réaliser. J'avais l'impression qu'il était toujours là, chez lui, ou à zoner quelque part. Il était là, vivant quelque part. Mais non, à chaque fois que cette idée me venait en tête, une petite voix très agaçante me murmurait qu'il était mort. Que si je ne le voyais pas, c'était parce qu'il nous avait quitté. Pourtant, il est mort dans mes bras... Si avec ça je n'arrivais pas à réaliser.

Je me sentais vide. Je me sentais seul. Je me sentais perdu. Qu'est-ce que j'étais sensé faire ? J'avais juste l'impression d'être devant un problème de maths géant. Tout était devant mes yeux, mais je n'arrivais pas à assimiler les informations et à les manipuler. Je les voyais juste.

Comme l'avait dit Platon, sans son âme-sœur, on ressentait le manque et un grand sentiment d'incomplétude. Je nageais dedans. Kenma me manquait tellement... L'impression de n'avoir jamais exister qu'au travers de Kenma me vint même en tête. Comment on était un déjà ? Comment on n'était plus une moitié ?

J'étendis mes jambes sur la surface d'herbe devant moi, avant de constater que mes pieds n'avaient pas d'appui. Je me surélevai pour voir, et constatai que j'étais juste au bord de la falaise. C'était incroyable de se dire que la mort était si proche que ça. Une impulsion, et je tombai dans le vide. Une maladie, et c'était fini. Un peu d'électricité et de l'eau, même résultat. On aurait pu s'y préparer, puisque tout le monde meurt un jour. Mais c'était trop soudain pour que j'accepte sans broncher.

Sans rien dire, je me levai et me dressai face au vide. Certes, la ville était encore plus belle avec un peu de hauteur. Seulement, mon corps était encore plus proche de la chute. Mes yeux fixèrent un moment le vide. Est-ce que Kenma me détesterait si je faisais ça ? Si je le rejoignais ? Notre conversation me revint en tête, et surtout la promesse que je lui avais faite. Bien sûr qu'il m'en voudrait... Je lui avais promis de ne pas le rejoindre.

Je n'avais aucun échappatoire à ma douleur.

« TU FAIS QUOI LA ?! »

Une grande main me tira vers l'arrière, mes fesses rencontrant le sol d'herbe avec force. Lev s'approcha de moi et empoigna directement mes épaules.

« Rien. Justement, je fais rien. J'y arriverai pas... Ma voix n'était qu'un murmure froid.

- C'est comme ça que tu respectes les dernières volontés de Kenma ? Siffla Lev en me foudroyant du regard. Yaku arriva derrière lui.

- Tu sais quoi, Lev. Kenma ici, Kenma là, j'en ai plein le cul ! Je pris ses mains dans les miennes et l'écartai de moi alors que je me relevai. Il a pas à supporter tout ça lui ! Vous non plus ! Personne comprend ce que je ressens et que j'ai tellement mal que j'aimerai crever ! Je sais qu'il doit avoir envie de me tuer depuis là où il est, mais tu sais quoi ! Kenma, si tu me vois, vas-y ! Au moins... Je te retrouverai... »

Mes mains se mirent à trembler. Je serrai les poings pour essayer de contenir mes émotions, mais là que j'arrivais à déblatérer plus de deux mots, ce n'était pas le moment de me censurer.

« Je veux pas d'une vie sans lui ! Je me suis jamais senti aussi seul ! Du jour au lendemain, j'ai perdu l'amour de ma vie et mon meilleur ami. Alors lâchez moi. »

Je me retournai, posant mes yeux sur Yaku. Ses lèvres tremblaient également mais il restait en retrait. Le plus impression, c'était la peur dans son regard. Lev posa une nouvelle fois sa main sur mon épaule. Cette fois, je ne pris pas la peine de le regarder.

« Lev... Yaku. La boule dans ma gorge revint, me faisant à nouveau mal. Ca ira mieux. Un jour. Mais j'ai besoin d'être seul. »

Sur mes mots, je me dégageai une énième fois de leurs emprises et je fis demi-tour. Tout était si contradictoire dans ma tête. D'un côté, je voulais que par la plus grande des malchances, mes jours se finissent maintenant. Un accident de voiture, un crash d'avion, peu importe. La mort me prendrait, et je ne souffrirai plus jamais comme maintenant. De l'autre, je voulais être plus fort que ça, et que Kenma soit fier de moi. Je voulais y arriver et vivre pour lui. Mais voilà, je ne savais pas comment m'y prendre et la facilité semblait tout à coup plus accueillante.

Cette nuit là, je marchai longtemps. Une énième nuit sans sommeil. Une énième nuit à nager dans un cauchemar sans fin. Je ne savais pas où j'allais, j'avançais juste. L'air froid m'apportait une sorte de douleur physique qui m'aidait à contenir mes pensées et à me ramener sur terre. Mais ce qui m'évitait vraiment de me perdre, c'était ces bagues. Ces deux alliances que j'avais à mon annulaire gauche. C'était comme si Kenma me tirait sur la manche pour me souffler de me reprendre. Il ne me restait que ça de lui, après tout. Ca, et tous nos souvenirs. Sa voix qui résonnait encore dans mon esprit. Son image qui se reflétait comme dans un miroir.

Est-ce qu'un jour, je l'oublierai vraiment ?

1 8 3 | KUROKEN | HaikyuuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant