Encore cinq minutes! (en relecture)

4. Échos

Ithaca, Cornell University

Chargée de cours à l'Université Cornell, Miriam Smith travaillait également sur un deuxième mémoire de maîtrise analysant les impacts des robots conversationnels sur la vie personnelle des internautes. Elle n'était pas du genre typique des informaticiens, ayant doublé ses études de programmation à un bac en psychologie. C'était donc pourquoi elle préférait, sans doute possible, l'humain aux machines.

Vêtue d'une robe soleil recouverte d'un léger cardigan rose et chaussée de sandales, elle quitta son appartement tôt ce matin-là traînant derrière elle l'énorme sac à roulettes qui contenait tout ce dont elle aurait besoin pour la journée.

Un soleil radieux inondait les rues comme si l'astre faisait la promesse de temps meilleurs, plus beaux, plus chauds, mais surtout plus heureux.

Souriant aux passants, Miriam entra dans son café préféré, juste à côté du pavillon des sciences informatiques et fit la file dans le joyeux brouhaha matinal. Présentant sa tasse de transport, elle commanda un frappuccino au caramel avant de ressortir.

Ithaca n'accueillait pas autant d'Anges et de Vampires que New York, mais l'université comptait tout de même quelques représentants des deux espèces parmi ses étudiants et son personnel. Voilà donc pourquoi Miriam ne s'inquiéta aucunement lorsque l'ombre d'un Ange la survola, la suivant dans la foule en direction du campus.

La foule sur le trottoir était beaucoup trop dense pour que l'Ange puisse atterrir et la jeune femme rêvassait, comme bien souvent à ce moment de la journée, ne se souciant pas de l'Ange dans le ciel. Cependant, elle dut faire un pas de côté à la dernière minute car un trio de jeunes gens s'immobilisèrent tout juste devant elle et levèrent leur téléphone pour prendre des images.

Sans se vexer - elle trouvait que la plupart des gens devenaient ce qu'elle appelait des "smartphones zombies" -, elle poursuivit son chemin, saluant des collègues au passage, échangeant quelques paroles avec certains d'entre eux, enthousiasmée par cette belle journée qui commençait. La session était presque terminée et elle s'envolerait pour l'Écosse retrouver sa famille dans les Highlands.

Originaire d'Edimbourg, enfants de parents médecins, Miriam et son frère jumeau avaient grandis en ville jusqu'à l'accident qui avait changé leur vie.

Cet été, la famille Smith devraient faire face à un bien triste anniversaire. Dans quelques semaines, il y aurait dix ans que Lloyd avait tenté de s'enlever la vie pour la première fois. C'était peu après le premier accident qui avait changé leur vie à jamais.

"Lloyd aimerait Ithaca", se prenait-elle souvent à penser. La ville étudiante au creux de la vallée au bord du lac Onondaga avait un quelque chose de Féerique, de romantique. S'il avait encore les capacités de l'admirer, le paysage séduirait l'artiste en lui, lui redonnant peut-être le goût à la vie? S'ils avaient osé déménager à l'époque, la ville étudiante dynamique lui aurait peut-être fait retrouver espoir après l'attaque homophobe violente qu'il avait subit à la sortie d'un bar...

Miriam secoua la tête. Son jumeau lui manquait tout les jours, mais elle ne voulait pas se laisser entraîner dans la mélancolie. Elle devait vivre pour eux deux, mais surtout pour elle-même puisque Lloyd avait abandonné.

Après la première tentative de suicide et le premier internement de son frère, leurs parents avaient décidé de prendre leur retraite et de s'acheter une terre près du Loch Oich où ils élevaient maintenant des alpagas dans la campagne des Highlands.

Il lui restait environ une demi-heure avant de devoir rentrer. La tête pleine d'idées et réfléchissant mieux en plein air, Miriam dirigea ses pas vers un banc à l'ombre d'un lilas blanc qui parfumait l'air divinement sans même remarquer que les gens autour d'elle lui cédaient le passage, créant un vide respectueux autour de sa personne. Une fois arrivée au banc, elle eut envi de couper une gerbe des merveilleuses fleurs, mais se contenta plutôt de plonger son nez parmi les bouquets jusqu'à en avoir plein les lunettes.