37. Pas encore Game Over (fin)

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Emma


Allongée sur le dos sur le canapé, la tête appuyée contre la jambe de V, Emma suivait la courbe de la paume du Vampire. Remontant doucement sur son avant-bras, elle tentait de déterminer la limite à ne pas franchir. Son objectif était simple: elle ne souhaitait pas lui infliger plus de douleur qu'elle ne l'avait déjà fait.

Une partie d'elle-même avait envi de s'indigner, de se redresser et de rompre tout contact physique entre eux. Elle ne voulait pas être la cause de souffrances qu'elle pouvait lui épargner simplement en gardant ses distances. Mais V avait l'odeur de Melomakarona dégustés près d'un feu sur la plage. Il lui semblait que le simple fait d'être près de lui ravivait les souvenirs du Noël passé en Grèce avec les parents Murakami. Les flames crépitantes, joyeuses, le goût du miel, de la cannelle, de la noix de muscade, de l'anis étoilé mélangés au croustillant des noix, tout ça, mêlé aux vagues de la mer Adriatique remontaient à sa mémoire de par la seule présence de son ami. Emma se pris à se demander quelle texture auraient ses épaules, son cou, sa poitrine musclée.

L'Emma qui reposait sur ce canapé, captivée par son exploration était bien différente de celle qui avait pris l'avion vers Vancouver quelques semaines plus tôt. Côtoyer les Anges et les Vampires la rendait plus tactiles, davantage connectée à ce qu'elle ressentait. Elle avait toujours eu ce besoin de vivre à fond, ça n'avait pas changé.

Mais ce soir, au lieu de se soucier du potentiel vide qu'elle laisserait en partant, elle se demandait plutôt quels reflets adopterait la peau de son ami sous l'éclairage d'un feu de cheminé. Elle se faisait déjà une bonne idée du spectacle que représenterait son corps ciselé parmi ses draps constellé d'étoiles et de planètes, mais son imaginations, encore pudique, se refusait a aller plus loin.

L'absurdité de cette timidité mentale ne manquait pas de l'amuser. Après tout, elle avait pris son bain dans l'eau du Burundi à plusieurs reprises en compagnie d'Aodhan sans jamais avoir ce genre de malaise. En même temps, Sparkle ne l'avait jamais fixé avec autant d'intensité. En tout cas, pour un gars qui disait qu'elle n'était qu'une geekette-punkette pâlichonne et qu'elle n'était pas son genre, il avait une façon de la regarder qui lui comprimait le bas-ventre et qui envoyait une douce chaleur à travers tout son corps.

Elle devait se ressaisir. V n'était certainement pas prêt à accueillir le quart de ce à quoi elle pensait. Elle se força à se concentrer sur son exploration. Jusqu'où ses terminaisons nerveuses lui foutaient-elles la paix? Il avait de belles mains. Grandes aux longs doigts droits et habiles, la peau douce comme de la soie. Emma se disait qu'il aurait sans doute pu emprisonner son petit poing dans le sien, mais il restait plutôt là, immobile, complètement détendu. Elle arrivait à peine à croire qu'elle avait osé le mordre! Pas fort, bien sûr, juste pour goûter, juste pour découvrir s'il avait le goût des Melomakarona. Quelle audace, sérieusement! Elle ne se serait jamais permis un tel geste si elle s'était arrêté une seconde pour réfléchir.

La main gauche de Vivek reposait sur son épaule, ses jointures effleurant sa joue avec la même délicatesse qu'elle mettait à explorer sa peau à lui. Le contact faisait s'éveiller en elle des sensations qu'elle avait rarement éprouvées. Et s'il avait raison? S'il s'agissait du seul moyen pour lui de vaincre la douleur. Peut-être devait-il forcer son corps à subir toutes ses tortures afin que son système nerveux arrête de voir tous les contacts comme des agressions? N'était-ce pas un peu comme ça avec Aodhan? Il devait reformater son cerveau afin que son corps arrête de le croire en danger dès qu'on le touchait. Le processus était peut-être le même? Après tout, elle n'était ni neurologue, ni psychiatre. Une pensée fugace lui vint à l'esprit alors qu'elle s'imaginait encore une fois la teinte chaude que prendrait la peau de Vivek à la lueur des flammes. Les Anges avaient-ils des psychothérapeutes? Aodhan souffrait clairement d'un cas sévère de choque post-traumatique. Avait-il reçu l'aide nécessaire pour l'aider à récupérer? Elle poserait la question à Laric à son prochain suivi médical. Ce n'était pas très important pour l'instant, elle avait mieux à faire.

L'Ange iridescent s'estompa de ses pensées aussi vite qu'il était venu. Elle savait bien qu'elle l'avait invoqué uniquement pour arrêter de penser que c'était dommage que V ne pousse pas son exploration plus loin.


Vivek


Ses deux mains lui appartenaient désormais. Il n'était pas certain de quand exactement ses terminaisons nerveuses s'étaient calmées, mais non seulement Emma pouvait effleurer sa peau quasiment jusqu'au coude sans qu'il ne ressente de douleur, mais le contact soyeux de sa chevelure et le satiné de sa peau contre son avant bras gauche le consumaient d'un espoir fou.

L'alerte signalant que quelqu'un attendait devant la porte ramena Emma et Vivek à la réalité. Emma se redressa tellement vite qu'elle resta étourdie l'espace d'une seconde, poussant un gémissement qui fit grimacer le Vampire. Ce fut juste assez pour que Vivek minimise les écrans affichant ses recherches et fasse apparaître l'image vidéo renvoyée par la caméra au-dessus de la porte avant qu'elle ne puisse voir ce sur quoi il travaillait. Il n'avait pas l'intention de lui dévoiler des données à moitié concrètes, il savait, au fond de son être qu'elle aurait besoin de toute l'histoire afin de bien l'assimiler.

— C'est Laric, annonça-t-il.

— Oh, merde! souffla-t-elle, rougissante. Il voulait reprendre mon poids et mes signes vitaux avant d'aller se coucher et je l'ai carrément oublié.

Ça signifiait qu'elle allait certainement se mettre au lit, la soirée était terminée. Vivek hésita à déverrouiller la porte. Il avait été transporté, pendant les dernières minutes, dans un univers où l'espoir, encore et toujours lui, régnait en maître. Il n'avait pas du tout envie que ça s'arrête, il avait encore besoin d'elle. Même la diablesse Douleur s'était tut, émerveillée, ses yeux flamboyants brillants d'admiration. Le Fauve Chasseur avait aspiré l'air, la gueule entrouverte afin de mieux le goûter, étirant son corps souple du bout de la queue à la pointes des griffes, certain que la fin de son emprisonnement était là, juste après l'horizon.

Sauf que l'horizon n'était pas pour ce soir. Le regard fixé sur le corps d'Emma tandis qu'elle s'étirait, à quelques pas de lui, Vivek déverrouilla la porte et invita l'Ange à entrer.

— Elle est ici, confirma-t-il.

Le Vampire fut soulagé de constater que le guérisseur transportait un pèse-personne et une trousse d'examen. Cela signifiait que bien que la soirée soit terminée, Emma n'allait pas partir vers l'infirmerie une fois de plus. Il préférait de loin l'avoir chez lui, là où il pouvait veiller sur elle.

Il s'étira afin de rapprocher son fauteuil roulant du canapé et entreprit le processus de se transférer à la force des bras. Emma le regarda faire, l'admiration claire dans son regard bleu.

— T'as pas idée d'à quel point c'est impressionnant de te voir faire ça, dit-elle, ses joues rosies.

— C'est pas si difficile, avec la force Vampirique.

— Quand même. Ce n'est pas qu'une question de force, ça requiert également de l'équilibre et de la dextérité. Un seul faux mouvement et tu te ramasses en pleine face par terre dans le temps de le dire.

— Prends le compliment, dit Laric de sa voix rauque. Emma a raison. Il y aura toujours des limites à ce que la force brute peut accomplir.

Sur ce, la jeune femme entraîna l'Ange vers la chambre bleue, le laissant seul avec ses émotions. Ce n'est qu'en s'assurant de la position de ses jambes et de son pantalon qu'il prit conscience que la présence d'Emma lui avait fait réaliser un autre exploit.

Il avait bien perçu la chaleur provoquée par les caresses légères sur sa peau. Mais il s'était tellement souvent imaginé les réactions physiques que pourraient avoir son corps s'il en avait eu le contrôle qu'il n'avait pas compris ce qu'il lui arrivait. En fait, comme tous les adolescents sur la planète, il en avait fait une obsession. Jusqu'à ce qu'il développe les mécanismes et les talents nécessaire à satisfaire la part sexuelle de lui-même.

Sauf que cette fois, dans son salon, encouragé par le contact d'un seul petit index sur sa peau nue...

Il avait maintenant un nouveau but. Car, c'était plus que certain, il ne laisserait pas la diablesse Douleur l'emporter. Cette victoire allait définitivement être sienne.

Encore cinq minutes! (en relecture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant