11. Histoire de sang

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Emma ne comprenait pas ce qui venait de lui arriver. Ce n'était pas normal, c'était beaucoup trop tôt! Elle avait soudainement eu tellement faim, c'était comme si son corps se déchirait en lambeaux. Elle s'était sentie trembler et le monde s'était mis à tourner autour d'elle comme si on la plongeait dans un accélérateur de particules lancé à pleine puissance.

Doc ne serait pas fier d'elle s'il la voyait. Elle ne pouvait quand même pas lui dire qu'elle se sentait déjà horriblement faible et qu'une douleur lancinante torturait son corps à chaque instant de la journée. Des images de son si gentil Doc la prenant sur son épaule pour la balancer dans une chambre d'hôpital lui donnèrent envie de pouffer de rire bien qu'elle n'en ait pas la force.

"Deux pour cent, c'est une chance sur cinquante, ce n'est pas si pire que ça", se dit-elle, combattant de toutes ses forces pour s'accrocher à la conscience. "Si tu t'évanouis, qui sait où tu te réveilleras..."

Aodhan, certainement. Et à voir son air, elle pouvait deviner où il avait l'intention de la transporter. Le pauvre, il avait l'air si inquiet... Ses magnifiques ailes iridescentes étaient agitées de spasmes nerveux, trahissant son anxiété.

Elle était congelée! Quelqu'un avait échangé son sang contre de l'azote liquide pendant qu'elle était occupée à construire leur drone. Ils auraient pu l'avertir, elle se serait vêtue plus chaudement.

Pauvre Aodhan, il ne méritait pas ça. En plus d'être nerveux et inquiet, il était carrément flou.

... ah non, c'était sa vision qui se brouillait, son ouïe qui défaillait, vrillant son cerveau de grincement stridents et de flashs lumineux. Elle ne pouvait plus réfléchir, elle s'étiolait, elle allait s'écrouler.

"Jamie? Où est-il, il ne peut pas me voir comme ça! Des plans pour qu'il appelle Day pour l'informer de mon état..."

Et miraculeusement, Aodhan était là, ses bras puissants autour d'elle, sa voix grave la rassurant, la réconfortant.

La soulevant dans ses bras comme si elle avait eu le poids d'une plume, il la transporta et la déposa sur une chaise avec toute la délicatesse et la douceur du monde. Emma se raccrocha à la sensation de son corps couvrant le sien, touchant son dos, ses cheveux, son front avec tendresse, lui signifiant qu'il était là, qu'elle n'était pas seule, qu'il veillait sur elle.

Dans son téléphone, une femme lui posait des questions, l'inquiétude évidente dans sa voix. Emma eut un fin sourire, elle était rassurée qu'il y ait des gens pour prendre soin de lui. Tordue jusqu'au fond de ses entrailles par le monstre qui la dévorait de l'intérieur, elle le laissa s'occuper d'elle, lui apporter de la nourriture, de l'eau.

Refusant de laisser cet incident gâcher sa journée, elle s'était remise à parler des femmes disparues, heureuse de constater que son cerveau était toujours fonctionnel. Elle n'avait pas l'impression que les Anges se souciaient de ces disparitions de mortelles. À vrai dire, même les Canadiens et les États-Uniens avaient tendance à ignorer ces événements qui les rendaient mal à l'aise. Et pourtant, son intuition lui laissait croire que c'était un détail important.

- Emmie..., la houspilla-t-il, ses lèvres se courbant en un fin sourire.

- Mon cerveau fonctionne encore, tu sais, dit-elle fièrement.

Oh, et quel joie! c'était jouissif de sentir que son précieux cerveau ne l'abandonnait pas. Plus elle absorbait de nourriture - avait-elle déjà mangé des pêches aussi délicieuses? et ce sandwich... ses biscuits au chocolat et aux noix... -, la douleur battait en retraite, ses sens reprenaient leurs droits. Elle avait la sensation que ses cellules se regonflaient et qu'elle pouvait les sentir revenir à la vie.

Encore cinq minutes! (en relecture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant