Encore cinq minutes! (en relecture)

20. Observations de l'Archange

Au même moment, Mont Garibaldi, Colombie-Britannique

— Je vais prendre le jeep! avait protesté Emma. Morgan sera avec moi. Nous pouvons même prendre deux autres passagers à l'arrière.

Environ un mètre soixante de volonté ferme se tenait fièrement devant un Aodhan rongé d'inquiétude. L'Archange Raphaël était arrivé une demi-heure plus tôt et avait survolé la région afin de constater par lui-même que la zone était sécurisée. Ensuite, il avait reçu le rapport de son Sept avant de décider que le groupe, incluant l'ingénieure mortelle, se devait de rentrer à la base de Zaria à Vancouver. Maintenant qu'on avait libéré l'Ancien Vampire, il était inutile de rester exposé de la sorte. D'autant plus qu'ils n'avaient plus qu'à attendre l'arrivée de Jessamy et Galen. Il espérait que l'historienne serait en mesure de découvrir le langage parlé par l'Ancien Vampire et qu'ils pourraient enfin en apprendre davantage sur son identité. D'autant plus que sans comprendre son langage, il était impossible à Raphaêl de s'assurer de ses bonnes intentions sans employer des méthodes qui irriteraient Elena.

Mu par un sentiment que Raphaël pouvait comprendre, Aodhan avait offert à la jeune femme de l'emporter dans ses bras jusqu'à la base. Toutefois, celle-ci lui opposait un refus difficile à contrer vu le ton raisonnable et les arguments logiques qu'elle apportait à la discussion. En les écoutant distraitement, l'Archange pouvait apprécier leur deux points de vue.

D'abord, Aodhan, bien qu'étant le plus égal de tempérament de ses Sept, était mu par un instinct protecteur sans doute aussi aiguisé que celui de Dmitri. Il avait déjà visiblement du mal à gérer la culpabilité qu'il ressentait d'avoir laissé quelqu'un tirer sur la jeune femme. Il prenait cette blessure par balle comme un affront personnel et une atteinte directe à ses capacités de guerrier. À son avis - et seulement à son avis -, il avait failli à sa mission et le seul moyen de remédier à la situation était de garder un oeil constant sur la jeune femme. Raphaël comprenait fort bien ces sentiments conflictuels. S'il pouvait, il garderait lui-même son Coeur, son Elena dans une bulle de verre où rien ne pourrait lui arriver. Mais garder ainsi, c'était aussi étouffer et il faudrait qu'Aodhan en vienne lui-même à cette conclusion.

— Je n'aime pas te savoir sur la route. Nous ne savons pas où sont partis ces gens qui sont venus s'attaquer à nous tout à l'heure, protesta calmement Aodhan. D'autant plus que tes deux amis grimpeurs faisaient parti du commando. S'ils t'en veulent, je vais savoir pourquoi.

Raphaël se demandait pourquoi les femmes des temps modernes tenaient autant à montrer leur force. Il ne comprenait pas les élans féministes des mortelles puisque les Anges n'avaient jamais fait de discrimination de sexe ou de genre.

Évidemment, une partie de lui pouvait respecter cette volonté d'indépendance, mais pas lorsque le danger rôdait. Heureusement pour tout le monde, Zaria lui avait remis le contrôle de ses troupes dès son arrivée. Raphaël avait été agréablement surpris de constater que des soldats avaient déjà été déployés afin de trouver des réponses auprès des membres de Squamish Trails. Il n'y avait pas de temps à perdre. Des mortels s'étaient attaqués aux siens, il ne pouvait pas laisser passer l'affront sans rétorquer.

— Donne-moi un peu de crédit, quand même. Je veux bien déménager du chalet et résider où tu voudras à Vancouver jusqu'à ce que nous partions pour New York, mais je suis capable de conduire jusque là-bas.

Tien, on dirait que la protégée de son artiste-guerrier n'était pas tout à fait aussi bornée et déraisonnable que les autres. Elle lui ouvrait une porte, faisait un bout de chemin vers l'Ange. Il l'aurait crue bien plus rebelle que ça, vu la façon dont elle avait résisté à se joindre à son personnel. En fait, c'était presque suspect. Pourquoi était-elle soudainement prête à coopérer? Raphaël était tenté de sonder son esprit, mais Elena ne le permettrait pas. Il ne pouvait pas se comporter comme un bourrin sans raison. Quelqu'un finirait par questionner ses motivations et il croyait la jeune femme assez sage pour les révéler. Raphaël se demandait si l'une d'elle n'était pas justement un élégant guerrier angélique. Les signaux que s'envoyaient ces deux-là étaient ambigus dans le meilleur des cas alors il était impossible de savoir.