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- Un autre! s'écria Harry en reposant brusquement son verre vide sur le bar, manquant le briser.

Il aurait voulu le briser, s'écorcher les doigts sur les éclats de verre et voir le sang dégouliner de sa peau de porcelaine. Il aurait voulu se faire mal, ressentir une douleur nerveuse et tactile aussi puissante que celle qui retournait son cœur. Les souffrances intérieures d'Harry se reflétaient sur son visage : des cernes noires bordaient ses yeux verts, ses lèvres étaient mordues jusqu'au sang, son front était barré d'une ride d'inquiétude qui vieillissait son beau visage, ses longues boucles étaient sales et avaient perdu de leur éclat et brillance. Il les remit en place d'un geste rapide et familier alors que le barman de l'hôtel planta un nouveau shot de tequila devant lui, accompagné d'un regard mélange de mépris et de compassion.

Les gens le regardaient souvent comme ça, maintenant. Avec pitié, empathie, mépris, colère ; des regards qui disaient tout. Des regards par lesquels passaient tous les mots que personne n'osait dire, des mots qu'Harry ne voulait pas entendre. Le bouclé en avait déjà trop entendu ces derniers temps, ses tympans et son cœur avaient déjà trop souffert.

L'alcool ingurgité à toute vitesse lui brûlait la gorge, laissant un goût amer et trop familier sur sa langue. Cette langue qui avait parcouru la peau douce de son âme sœur, qui connaissait chaque parcelle de son petit corps frêle et qui saurait le reconnaître entre mille et dans l'obscurité qu'ils avaient pour habitude d'aimer lors de leurs nuits enflammées. L'alcool lui-même lui rappelait Louis et cette odeur qu'il traînait partout où il allait, l'alcool rappelait à Harry toutes ces disputes qui avaient causé la perte de cet amour qu'ils pensaient éternel.

Le jeune homme se retourna et croisa le regard, à l'autre bout de la pièce, de la personne qui le regardait depuis plus de dix minutes. Harry sentait son regard clair sur lui depuis un bout de temps, mais il avait volontairement choisi de l'ignorer. Cette jolie blondinette ne comprenait donc rien ; Harry avait beau lui répéter de partir, elle restait coûte que coûte et le regardait boire tous les soirs. Elle le regardait parfois avec tristesse, ou avec colère, et même encore avec affection. Mais le chanteur ne voulait plus voir ces yeux qu'il connaissait bien, il voulait juste qu'elle s'en aille loin.

La conquête d'Harry, après avoir croisé ses yeux verts, se leva et se dirigea vers lui près du bar. Lui abandonna rapidement son siège et entreprit de sortir de cette partie de l'hôtel, dans le but de rejoindre sa chambre et de pleurer enroulé dans ses draps jusqu'à ce que l'alcool redescende. Mais Camille était déjà là, petite et fine face à son torse, l'empêchant de passer. Il était clair qu'elle ne le laisserait pas s'en aller aussi facilement, peu importe la force qu'il pourrait mettre à l'envoyer valser — et Dieu savait que celle-ci ne serait pas nécessairement immense. Toutes les pensées d'Harry étaient dirigées vers son Louis, vers ces petites jambes et ces cheveux en pagaille qu'il adorait. Il se rappelait les frissons que lui procurait la peau de Louis contre la sienne, les rires qui le parcouraient quand Louis l'empêchait d'embrasser ses tatouages. Il se rappelait de tout, sauf des émotions ressenties avec Camille. Elle n'avait été qu'un calmant face à sa douleur, une anesthésie temporaire et partielle pour ses maux qui eux, étaient infinis.

- J'essaie de passer, grogna le bouclé sans même regarder la jeune femme.

- J'essaie de te parler.

Harry la poussa du plat de sa forte et grande main, peut-être un peu trop violemment, peut-être un peu trop impulsivement. Camille, au grand désarroi du bouclé, ne voulait que son bien. Elle avait compris qu'il ne voulait plus d'elle, et elle avait eu mal, mais elle tenait encore suffisamment à lui pour ne pas le laisser se détruire chaque nuit jusqu'à en vomir seul, dans sa misérable chambre d'hôtel new-yorkaise. Mais Harry ne voulait pas d'elle, ne voulait pas d'aide. Il ne voulait que les bras de Louis autour de sa taille, que son odeur piquante dans la salle de bains, que lui et sa voix fluette au réveil. De l'aide, pour quoi faire? Seul l'alcool pouvait l'aider à oublier, parce que Camille, ce calmant temporaire pour ses souffrances, était devenu lassant et le corps du jeune homme s'y était trop habitué pour que le traitement soit encore efficace.

𝒐𝒔 𝒍𝒂𝒓𝒓𝒚 𝒔𝒕𝒚𝒍𝒊𝒏𝒔𝒐𝒏Où les histoires vivent. Découvrez maintenant