Chapitre 42

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Le trajet prend une éternité. Tu regardes par la fenêtre le paysage défiler, le regard vide. Comment vas-tu faire pour t'en sortir ? Qu'est-ce qui va se passer pour ton frère étant donné que tu es incapable maintenant d'être reconnue comme son tuteur légal ? La vie est si injuste.

Les policiers t'amènent jusqu'à ton appartement. Quand tu ouvres la porte, tu vois ton frère assis, pleurant dans les bras de ta mamie et de ton papi. Tu espères qu'ils vont s'occuper de lui. Quand tu passes la porte, ils se ruent vers toi et t'enlacent. Etrangement, les larmes ne coulent pas, tu n'y arrives pas. Les policiers donnent plus de détails sur l'accident et font comprendre à mes grands-parents qu'elle était sous l'emprise de l'alcool. Maman, tu as gâché ta vie toute seule. Pourquoi tu as fait ça ?

Tu as pris ton frère appart et vous êtes partis dormir dans le même lit dans sa chambre. Tu entends tes grands-parents ouvrir la porte pour voir comment vous vous portez, alors tu te lèves le plus discrètement possible pour ne pas réveiller Maxime, ton frère. Tu sens que tu vas passer une nuit blanche. Vous vous asseyez tous les trois sur la table à manger et ils te tendent un verre d'eau.

Ils te posent des questions sur ton séjour et durant toute la nuit tu parles de ce que tu as vécu là-bas, tes hauts et tes bas sans mentionner Livai bien sûr. Tu les vois t'écouter attentivement, ça te fait plaisir qu'ils demandent comment tu te portes. Leurs yeux se remplissent de larmes quand tu leur racontes certains passages, notamment ta rechute de la semaine dernière sans mentionner le motif justement.

Ils finissent par te dire d'aller te coucher, pour l'enterrement dans quelques heures. Tu les écoute, tu vas donc dans ta chambre mais tu ne réussis pas à fermer l'œil de la nuit.

Le réveil quelques heures plus tard est dur. Tu fais face à la réalité : ta mère est morte putain. Tu fonces directement vers la salle de bain. Tu ressembles à un zombie : tu as des cernes marqués et tes yeux sont rougis par tes pleurs. Tu te rinces le visage et prends une douche bien froide pour te réveiller. Tu croises ton frère en sortant de la salle de bains, c'est un autre garçon. En deux mois et demi, sa musculature s'est nettement développée, c'est un beau garçon. Tu vas devoir attendre pour le lui dire, ce n'est pas vraiment le bon moment.

Tes grands-parents préparent le petit-déjeuner. Tu sais qu'ils ont pleuré ensemble cette nuit. Ils n'étaient pas au courant de l'alcoolisme de ma mère. Ils s'en veulent, mais ils n'auraient pu rien faire pour l'aider. Elle s'enfermait elle-même. Elle a refusé de voir des psys et d'avoir de l'aide. Tu prends les tartines et files les manger dans ta chambre pour les jeter directement dans la poubelle. Tu n'as absolument pas faim, voir de la nourriture te dégoûte.

Tu as peur instinctivement de faire une rechute. Tu sais que tu dois te battre mais tu es fatiguée. A chaque fois que tu es un peu plus joyeuse, la vie vient te rappeler à l'ordre, comme si tu n'avais pas le droit d'être heureuse. Amélie vient te chercher à l'appart ce soir, tu as déjà peur de croiser son regard.

C'est ton frère qui a tenu à faire le discours. Tu es dégoûtée, pas un seul collègue de travail n'est venu. Tu n'as même pas appelé ton père, ut n'es clairement pas d'humeur à faire ça. Tu es seule avec ton frère et tes grands-parents. Si seulement Sacha et Connie étaient là. Elle t'a envoyé un message ce matin pour te souhaiter bon courage pour surmonter ça. Au moins, ils pensent un minimum à toi.

La cérémonie se termine bientôt et l'orage éclate. Tu te retrouves trempée par la forte pluie mais tu ne veux pas te munir d'un parapluie. Tu restes là, figée à côté du cercueil de ta mère. Tu lui jettes une dernière fleur puis tu fais demi-tour sans te retourner. C'est trop tard maintenant. Au bout du cimetière, tu vois Amélie et Jonathan t'attendre et te sourire. Ils discutent rapidement avec tes grands-parents tandis que tu restes avec ton frère. Tu décides de lancer la conversation pour essayer de lui changer les idées.

« Tu as bien grandi dis donc !

- Ella, je ne peux pas te dire la même chose. Tu es maigre, est-ce que ça va à l'hôpital ?

- Comme ici. J'ai des hauts et des bas, ne t'en fais pas pour moi. Je vais guérir.

- J'espère, tu me manques beaucoup. »

Tu l'embrasses sur le front puis tu te lèves. Il est déjà temps de repartir. Tu enlaces tes grands-parents et tu suis Amélie et Dr. Yeager jusqu'à leur voiture. Le trajet du retour se fait dans le silence le plus complet. Tu n'as vraiment pas envie de leur parler, tu as juste besoin d'être seule. Mais justement, si tu restes seule c'est là que tu te mets en danger. Tu ne peux pas surmonter ça toi-même, pourtant des gens ont eu une vie bien pire que toi et ont survécu, alors tu te doutes que tu peux y arriver en te battant.

Tu rentres directement dans ta chambre mais Amélie te rattrape et te force à manger avec tout le monde.

« Ella, Sacha et Connie t'ont attendu pour manger.

- C'est très sympa, mais je n'en ai pas la force.

- Si tu l'as. Allez, je te demande juste de manger, pas de bavarder. »

Tu fais demi-tour et tu rentres dans la cantine, épuisée. Tes deux amis se précipitent vers toi et t'enlacent mais tu te sens toujours vide. Tu manges en silence tandis qu'eux discutent de tout et de rien. Tu n'entends pas Livai arriver à tes côtés.

« Ella, je dois te parler.

- Pas maintenant Livai. » Il t'attrape fermement par le poignet et te plante son regard dans le tien.

« Si, maintenant. »

Tu le suis, un peu surprise par son ton autoritaire. Mieux vaut l'écouter, ça en finira au plus vite. Enfin sortis de la salle, il te lâche et te demande de le suivre encore. Tu n'as pas la force de t'excuser. Il t'entraine dehors et prends deux chaises avec lui. Puis il continue son chemin vers la lisière de la forêt. Tu le suis en trainant des pieds, c'est pas possible qu'est-ce qu'il fait ? Il pose les chaises face à face et te demande de t'asseoir.

« On va parler miss.

- Je n'ai pas envie de le faire.

- Dis que tu n'as pas la force, sinon je ne te crois pas.

- Crois ce que tu veux, je m'en fous.

- Je n'en suis pas si sûr. »

Il te fixe. Tu n'arrives pas à soutenir son regard. Pourquoi a-t-il fait ça aujourd'hui ? Il reprend :

« Certes, je le fais dans des circonstances particulières mais tu dois comprendre que tu m'as blessé.

- Ok.

- Donc, je me suis vengé et je crois que ça a réussi.

- Qu'est-ce que tu veux que je fasse de cette information ?

- Ferme un peu ta bouche et écoute-moi. Tu n'as pas compris. »

Tu te lèves, c'en est trop. Mais il te fait rasseoir en appuyant fermement sur ton épaule.

« Si je te dis ça Ella ce n'est pas pour rien. J'ai fait une connerie certes. Mais j'étais énervé et déçu.

- Et moi, tu croyais que je ne l'étais pas ?

- C'est mon passé, pas le tien. Tu ne peux pas changer ce que j'ai fait. Je n'ai pas non plus forcé pour découvrir le tien.

- Certes, mais tu le sais à cause d'Amélie.

- Je n'ai pas cherché à le savoir.

- Donc là tu essayes de me faire une leçon en disant que tu es le meilleur et que ce que j'ai fait c'est mal ? Je le sais déjà ça, merci.

- Non Ella, ce que j'essaye de te dire c'est que je n'arrive pas à t'oublier même si j'ai une rancœur envers toi. »

Tu écarquilles les yeux, tu sens tes jambes se mettre à trembler. Il faut que je parte d'ici. Tu n'es pas vraiment à l'aise. Mais alors vraiment pas. Tu te lèves encore une fois, tu le regardes assis sur sa chaise. Cette fois-ci, il ne te force pas à te rasseoir, il te contemple simplement. Est-ce que tu as la force de lui faire face et de tourner les talons ? Si tu fais ça, ce sera probablement votre dernier échange. Il vient clairement de se mettre à nu, partir serait avouer qu'on se fiche de lui. Qu'est-ce que tu fais ?

Livai X Reader [No time to think]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant