Chapitre 10

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Tu t'énerves devant ton activité manuelle qui ne ressemble à rien. Tu es censée faire une maison de 3 étages sans murs. Quelle idée de merde. Tu regardes autour de toi et vois les autres rire et partager leurs idées ensemble. Tu les jalouse.

Tu n'as jamais su te faire des amis. Tu étais trop timide, dès que tu voyais quelqu'un, tu commençais à bégayer. Tu avais tellement l'impression de déranger. Tu as développé une anxiété à propos de ça. Tu n'osais même plus lever la main en classe pour poser une question quand tu n'avais pas compris. On te traitait de « bizarre ». Je l'es aujourd'hui, tu en es persuadée.

Les animateurs annoncent qu'ils vont prendre des photos des œuvres pour les afficher sur le panneau d'affichage à l'entrée. Tout le monde est content, sauf toi. Tu t'en bats strictement les couilles. Ils sont bien au courant ces animateurs d'ailleurs que tu détestes ces travaux manuels. Ils t'appellent pour prendre la photo, tu soulèves délicatement ton travail bâclé et prends de grandes précautions.

Au moment où tu le poses sur la table, tout s'écroule. Un peu comme toi. Bêtement, les larmes te montent aux yeux. Ce seul travail est représentatif de ce que tu sais faire aujourd'hui : rien. Les animateurs se pressent pour essayer de le réparer mais c'est trop tard. C'est irréparable. Tu les vois me sourire de compassion mais tu t'en fiche complètement. Tu prends ton travail et sors de la salle pour aller le jeter à la poubelle. Tu vois Livai dans la cour fumer, à côté des poubelles.

Ta rage se développe encore plus quand tu le vois. Alors tu laisses tomber au sol ta maison, enfin ce qu'il en reste et tu l'écrases à grands coups de pied. Tu sautes dessus, tu hurles dessus comme si c'était ton passé. Tu aimerais l'enterrer cette maison de merde. Puis, consciente que Livai doit te prendre certainement pour une folle, tu reprends tes esprits et la jette dignement dans la poubelle. Il te regarde, complètement ahuri.

« Tu vois, au fond, je suis comme les autres, aussi folle et abrutie. »

Ta remarque le fait sourire. Et le voir sourire t'attendrit un peu. Tu peux enfin voir ses beaux yeux gris, il te fixe sans ne rien dire.

« Je l'avais déjà remarqué ça pisseuse.

- Arrête de m'appeler comme ça.

- Alors dis-moi comment tu t'appelles. »

C'est vrai que tu ne lui avais jamais donné.

« Très bien. Mais je te le donne simplement pour que tu évites de m'appeler « pisseuse », c'est clair ?

- Oui. »

Ses yeux étaient perçants, il n'attendait que ta réponse.

« Je m'appelle Ella. Enchantée.

- Merci pisseuse. »

Sur ce, il écrase sa clope et pars, un petit sourire aux lèvres. Bon tu étais persuadée qu'il n'allait pas arrêter de t'appeler comme ça, c'était évident. Lorsque tu lèves la tête, Amélie vient en courant vers toi, en colère.

« Ella, mais qu'est-ce qui te prend ? Je t'ai vu avec ton travail, qu'est-ce qui se passe ?

- Il était moche, j'étais pas contente.

- Et donc, tu hurles dans la cour et tu tapes dessus ? Est-ce une manière de te défouler ?

- Je me suis emportée, ça n'arrivera plus.

- J'espère bien. J'ai appris pour ton transfert. Je pense t'avoir accordé un peu trop de libertés, et je vois que tu souffres. Je vais être plus présente dorénavant. »

Tu soupires intérieurement. Amélie est gentille, elle veut juste ton bien. C'est normal, c'est son boulot de s'occuper de toi. Elle te raccompagne jusqu'à ta chambre.

« Ecoute Ella, tu peux me parler, j'espère que tu le sais. »

Bah justement pas vraiment. Tu irais tout répéter, mais bien sûr, tu ne lui dis pas. Tu te contentes de lui sourire, puis tu rentres dans ta chambre. Tu t'allonges dans le lit et tu regardes le plafond. 17h00. Tu as encore du temps à tuer avant de manger, tu en profites pour aller rechercher des livres à la bibliothèque.

Même si c'est un hôpital psychiatrique, la bibliothèque est magnifique. De grandes étagères marrons se hissent jusqu'au plafond avec de belles moulures. Des tonnes de livres s'entassent, qui datent de n'importe quels siècles. Même si tu ne lis pas beaucoup, aller dans cet endroit t'apaise et t'émerveille.

Tu t'y installes, comme à ton habitude dans une table au fond, dans un coin de la pièce. Tu as demandé à la bibliothécaire, la meilleure sélection des best-sellers du moment. Elle t'a adressé un clin d'œil puis t'a demandé de gentiment patienter le temps qu'elle aille les chercher.

Quelques minutes plus tard, elle revient avec une pile de livres plus ou moins gros.

« Tenez mademoiselle Ella, j'espère que cela vous plaira. A consommer sans modération ! »

Elle t'adresse un grand sourire, puis tourne les talons. Mme Bobigny est si gentille, que tu souris toi aussi. Tu commences le premier livre, ça parle de deux lycéens aux personnalités totalement opposées qui se rencontrent sur le clocher de leur lycée, poussés tous les deux par une mystérieuse force qui leur chuchote à l'oreille d'en finir. Je referme le livre.

Est-ce vraiment adapté ce type de livre dans un hôpital psychiatrique ? Puis vu mon passé, je trouve ça culotté. Je rigole tellement, cela peut paraitre cynique. Mme Bobigny n'est pas au courant, elle a juste pris ce qui était le plus recherché. Bon tant pis, au pire je vais pleurer en commençant ce bouquin, ça ne va pas changer grand-chose.

Plongée dans ta lecture, tu n'as pas vu Livai débarquer à la bibliothèque. Tu l'as juste entendu quand il a demandé d'autres livres, la meilleure sélection des best-sellers du moment. Elle sourit, puis te pointe du doigt. Zut, elle a dû lui dire de venir te voir. Quand il se retourne, il ne peut pas s'empêcher de faire une grimace et de soupirer en te voyant. Pourtant, tu le vois s'approcher de toi, l'air très sérieux.

« Il me faut des livres.

- Bah regarde autour de toi, espèce d'abruti.

- Tu traites qui d'abruti, espèce de pisseuse ?

- Non mais sérieux, t'es dans une bibliothèque, tu as un large choix.

- Je veux les best-sellers.

- Ils sont à moi le temps que je les lise.

- Mme Bobigny a dit que tu pouvais partager.

- Espèce de gamin, je m'en fous de ce qu'elle a dit, ils sont à moi c'est tout.

- Toujours pas remise de ton activité manuelle ?

- Ta gueule. »

Il te jette un regard perçant. Tu le vois froncer ses sourcils et remarques qu'il est plus âgé que moi.

« Attends, mais t'as quel âge en fait ?

- Cela te regarde pas, pisseuse.

- J'ai 18 ans.

- 30. »

Tu pouffes de rire. Il te jette un regard glacial. Il se lève et te déclare :

« Garde tes romans pourris d'ado pubère. Je m'en bats les couilles de toute façon. »

Il tourne les talons et s'en va, visiblement énervé.

Livai X Reader [No time to think]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant