Chapitre 13

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« Tu vas rester là le temps qu'on puisse te préparer une chambre en isolement. Tu sortiras donc 1h par jour, sous surveillance et seule. Tu iras à tes rendez-vous avec le docteur Yeager sous surveillance. Tu iras manger matin, midi et soir sous surveillance aux horaires imposés.

- Tu n'as pas le droit de me faire ça juste parce que je parle à un patient.

- Et mentir à Marion pour aller chercher le linge, pourquoi à ton avis tu l'as fait ? »

Elle a raison, tu l'as fait pour obtenir des informations sur Livai. Plan à long terme qui se révèle être un échec total. Amélie soupire devant ton silence. Elle sait qu'elle a raison. Elle sort en claquant la porte, elle la ferme à clefs. Tu hurles et tambourines dessus comme une folle. Tu pleures aussi pendant longtemps.

Il est 7h00 lorsqu'elle vient te rechercher. Elle t'aide à préparer tes affaires puis vous les montez jusqu'au deuxième étage où seules quelques chambres d'isolement sont aménagées. Le reste sert de débarras. Dans les escaliers, tu croises Livai qui ne te regarde même pas. Quel con. Tu te retournes et le vois déjà aller dans le bureau de David. Amélie te voit, et les larmes lui montent aux yeux.

« Ella, je t'aime beaucoup, tu le sais. Mais je n'aime pas comment les choses évoluent entre Livai et toi.

- Mais, ça ne fait même pas une semaine qu'on se connait, de quoi tu parles putain ?

- Justement, j'agis avant qu'il ne se passe quelque chose.

- Mais je ne comprends toujours pas, de quoi tu parles ?

- Je vois comment tu le regardes. Tu ne peux te permettre de trainer une seconde de plus avec cet homme. »

Tu rigoles. Toi, tomber amoureuse ? Jamais de la vie, en plus d'un malade mental, mais c'est Amélie qui mériterait d'aller se faire interner. Pas toi. Pourtant, tu ne dis rien et te contente de baisser la tête, ce qui l'agace. Tu te tais, car au fond tu as quand même changé de place deux fois pour lui. Tu l'as observé ce matin manger, et tu as remarqué qu'il était séduisant. Qu'est-ce qui t'arrives bordel ?

Tu arrives devant la chambre où Marion finit de faire le lit, elle te lance un regard sévère puis s'en va sans un mot de plus. Elle qui ne te connait pas vraiment, elle doit être déçue du fait que tu lui aies menti. Cela veut juste dire que Livai va se faire engueuler aussi par ta faute !

Amélie te laisse rentrer et juste te dit en sortant :

« J'ai quand même négocié une enceinte Bluetooth pour que tu puisses écouter de la musique si tu t'ennuies. Je fais ça pour ton bien Ella, tu me remercieras plus tard. »

Quand elle ferme la porte derrière elle, tu pleures. Elle t'a prévenue que ce serait Jonathan qui viendrait te voir, afin que tu puisses faire tes marques dans ta nouvelle chambre. Lui vraiment, il arrive dans la pire situation.

Tu t'installes dans le lit et sèches tes larmes. Jonathan ne devrait pas tarder à venir, il ne faut pas qu'il te voie comme ça. Tu regardes le plafond, parsemé de tâches d'une substance non identifiée et de moustiques. Au lieu de compter les moutons pour t'endormir, tu pourrais compter les tâches.

Tu souris malgré toi, après tout vu que tu es en isolement, tu as intérêt à te faire rire toi-même si tu ne veux pas être au bout du rouleau. Tu entends des pas et tu entends quelqu'un toquer. Tu ouvres et tu vois Jonathan, décoiffé, un carnet et un stylo dans la main. Il s'installe comme si de rien n'était et t'adresse un faible sourire.

« Je pense que vous avez passé une bonne nuit Ella. Même si cela a rapidement changé.

- Oui, je me suis endormie rapidement grâce à votre exercice. » Il se met à rire, ce qui te réjouit un peu intérieurement.

« Tant mieux, je suis content que cela a permis de vous aider. J'attends votre réponse donc.

- Je n'ai pas de réponse à proprement parler. Je ne sais toujours pas ce qui m'intéresse, mais je me suis rendue compte que je faisais passer le bonheur des autres avant le mien depuis que je suis toute petite, faire des activités qui ne me plaisent guère est devenu banal, donc quelque part machinal pour mon cerveau. Je ne sais pas ce que c'est « aimer ».

- Très juste Ella. Mais regardez aujourd'hui les conséquences. Même si cela est admirable de votre part, c'est vous aujourd'hui qui êtes au pied du mur et non les autres. Croyez-vous qu'ils pensent à vous en ce moment même ?

- Non...

- Parfois, il faut faire attention à soi-même avant les autres. Vous ne pouvez construire quelque chose de sérieux si vous n'allez pas bien vous-même. Votre corps vous a donné des signes, vous ne les avez pas écoutés.

- Comment je pouvais le savoir ?

- Si vous vous aimiez un peu plus, je pense que vous le sauriez. »

Ta gorge se sèche. Tes yeux deviennent humides. Oh non, pas craquer devant ton psychiatre. Il dit des choses très vraies, mais très cash. Tu prends un coup à chaque fois qu'il parle.

« Je voulais en venir là, précise-t-il.

- Pourquoi ?

- Ella, c'est vous qui avez les clefs de votre propre bonheur, vous avez du mal juste à les chercher. Je suis là pour vous aider dans vos recherches, vous guider.

- Jonathan... Tu sens ta voix se briser

- Oui Ella ?

- Pourquoi je ne m'aime pas ? »

Il ne répond pas, visiblement touché par ce que tu viens de dire.

« C'est à vous de me le dire justement. Si vous le faites, ce sera déjà une grosse étape.

- J'ai l'impression de déranger tout le monde dès que je parle, je fais trop attention au regard des autres, j'ai peur qu'ils me jugent. Alors je préfère me détester moi-même, comme ça je serai habituée si quelqu'un me hait vraiment. »

L'heure passe tellement vite, tu as versé quelques larmes et Jonathan t'a réconforté. Son sourire te fait un baume au cœur. Même seule au monde, on t'isole encore plus. Est-ce possible ? Il part et te revoilà dans ma solitude. Il est trop tôt. Tu n'as plus rien à faire.

Livai X Reader [No time to think]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant