CHAPITRE 2.

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Je réalise enfin et assimile toute la scène. Une énorme tâche s'est formée sur la chemise du client laissant transparaître quelques muscles. Je remonte délicatement ma tête vers la personne à qui appartient cette voix rauque. Ses cheveux châtains bouclés tombent parfaitement sur son visage tandis que ses yeux me toisent.

— Qu'est-ce que vous attendez, vous allez me regarder encore longtemps comme ça ?

— Non je suis navrée, vous êtes arrivé derrière moi et je ne vous avais pas vu ! Je me défends.

— Oui, bon pas besoin de tergiverser, ramenez-moi quelque chose pour sauver ma chemise au lieu de rester planter là.

Heureusement que monsieur Grenelle n'était pas là pour voir ça, en plus de me faire engueuler par le client, j'aurais été réprimandée également par lui et franchement ça n'aurait fait qu'empirer la situation...

— Oui bien sûr je vous apporte ça tout de suite.

J'essaye de gérer mes émotions et de ne pas me laisser submerger. Tout le monde nous regarde dans la salle, personne ne rate une seule miette de la situation. Après quelques minutes je ressens le liquide pénétrer mon jean et venir couler sur mes jambes, je suis également trempée.

J'essaye de ne pas glisser dans l'immense flaque d'eau et tente par la même occasion d'éviter de me planter un bout de verre dans la chaussure, et ce n'est pas chose facile.

J'attrape rapidement derrière le comptoir un chiffon que je mouille avec un peu d'eau. Je m'approche du client et observe les dégâts. Je tire un bout de sa chemise à l'aide de mes doigts et tente de la défroisser au maximum pour me faciliter l'accès à la tâche. Je pose délicatement le chiffon sur la couleur vert foncé de sa chemise qui contraste nettement avec sa peau mate.

Heureusement j'ai limité les dégâts en ne renversant de la bière que sur sa chemise et non sur son jean slim noir et ses baskets converses vertes sapin de la même couleur que son haut.

J'estompe rapidement la tâche de bière puisque mon chiffon se teinte rapidement de la couleur jaunâtre de la bière. Cela dit, il est toujours aussi trempé qu'avant, si ce n'est plus...

Je remonte doucement mes yeux jusqu'à lui, à mon étonnement ses yeux bleus me fixent. De petites fossettes se forment sur ses lèvres, lorsqu'il sourit celui-ci dévoile un détail d'un charme fusillant, ses dents du bonheur ne ferait résister aucune personne, femme comme homme.

Mais c'est bien vite remplacé par un autre sentiment moins agréable. Si son apparence laisse croire des choses positives émanant du beau châtain, dès qu'il ouvre la bouche un contraste est bien vite créé.

— Vous pouvez vous atteler à nettoyer le sol, annonce-t-il d'un ton autoritaire comme si j'étais à sa disposition en soulignant ses paroles en pointant avec son index la marre d'eau et les bouts de verres, avant de compléter, je pense que de toutes les manières vous venez de flinguer ma chemise et mon rendez-vous.

— Je suis vraiment navrée dis-je le cœur serré, presque rongée par la culpabilité, quand soudainement les paroles du client me reviennent en tête, je fronce les sourcils.

— Je n'ai pas besoin de votre empathie, contentez-vous d'effectuer votre travail et nettoyez le sol, ce n'est pas moi qui vais le faire à votre place !

Un sentiment étrange parcourt mon corps. Et je le connais malheureusement trop bien chez moi. Les palpitations de mon cœur s'accélèrent proportionnellement au sentiment de colère qui m'empare petit à petit.

— Vous savez, j'ai l'habitude de me coltiner chaque jour des gens parfaitement insupportables, mais la différence avec vous c'est qu'eux restent encore respectueux et non aussi méprisant que vous ne l'êtes. Pourriez-vous considérer que j'ai pu faire une erreur, et lorsque l'on voit une serveuse tenir un plateau avec une dizaine de bières, on évite de passer trop près d'elle si on ne veut pas voir le liquide se déverser sur nous.

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