CHAPITRE 16.

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Nous hoquetons tous les trois, surpris une nouvelle fois par la rage nourrissant le type planté devant nous. J'attrape avec ma main libre celle de Emma. Je suis prise de peur, et c'est le seul signe de protection qui me traverse l'esprit.

— Je... je vais rester avec Julien, allez danser commence-t-elle en se tournant vers nous, je vous regarderai de la table, profitez tous les deux...

Un petit sourire désolé se forme sur ses lèvres. Puis elle retire sa main de la mienne pour rejoindre Julien comme-ci elle lui était soumise.

La situation est hallucinante, je reste bouche-bée. Et quand je crois que le pire est passé, le petit sourire malsain qui s'est dessiné sur le brun en guise de défi comme un « elle m'écoutera toujours », engendre quelque chose d'horrible à l'intérieur de mon corps. Une colère immense que je tentais d'enfouir et qui me fait totalement vriller.

Je lâche la main d'Irsal.

— Ai-je bien entendu ? Tu ne te soumettras pas à ses ordres Emma, tu viens danser avec nous ! Et toi dis-je en pointant avec mon index le sale type devant moi, ne t'avise pas de lui imposer ce qu'elle a droit de faire ou non.

Mes pas se font lourds et je tire sur le bras de ma copine pour qu'elle se relève.

— Mais c'est qu'elle se la joue sauveuse maintenant la petite Jade. Dis-moi, ton féminisme la mènera où lorsqu'un garçon viendra se frotter à ses fesses et qu'aucun homme ne sera là pour la défendre. Que feras-tu ? Rien. Donc lâche ma fiancée sur le champ, je ne le répéterai pas.

Actuellement son visage fait émerger en moi des actes de violences, dont je dois rapidement chasser de ma tête. On ne résoudra pas grand-chose, quoique, avec ce genre d'énergumène, c'est bien la seule chose qu'il est capable de comprendre.

— Sinon quoi ? Qu'est-ce que tu comptes faire ?

Je ne réponds pas à ses attaques sur mon féminisme parce que je préfère maintenir mon niveau de colère le plus bas possible. Mes pupilles se dilatent et je soutiens son regard.

— Pour une fois Jade je te conseille de vraiment fermer ta gueule, tu ne vois pas à quel point tu n'arrêtes pas de nous faire chier ? Il faut toujours que tu ramènes ton grain de sel, parce que tu es pauvre et que tu défends apparemment le droit des femmes. Mais nous ne sommes pas tous dans ta situation Jade, donc au lieu de gâcher l'ambiance alors que l'on pourrait passer une bonne soirée, tu ferais mieux d'accepter que ma copine ait décidé de ne pas aller danser.

Il insiste et détache chaque syllabe sur le « ma copine ». Cela me donne une envie de gerber.

— Mais qu'il est mignon, dis-moi tu as dû avoir une enfance traumatisante pour avoir si peu confiance en toi n'est-ce pas ? Parce que si tu crains aussi fortement que quelqu'un puisse te voler Emma c'est probablement parce que tu as été rejeté toute ta vie, non ? Un manque d'amour du côté de tes parents ? Un cœur brisé par un premier amour ?

Sa lèvre inférieure faiblit. Je touche un point sensible. Et je ne m'arrête pas en si bon chemin :

— Quant à mes idées, je suis pauvre financièrement merci de me le rappeler, mais quand je te vois je me rappelle qu'être riche intellectuellement vaut bien plus. Et si je me la joue féministe c'est parce que des gros connards dans ton genre restreignent leurs copines à faire ce qu'elles souhaitent, attaquent leurs libre-arbitres et donc leurs libertés.

Je pèse le plus possible mes mots. Je reste si convenable et gentille alors que je pourrais être si vulgaire si je le voulais.

— Répète sale garce ce que tu viens de me dire, dit-il en se levant d'un bon de la banquette sur laquelle il était pour venir envahir mon espace vital.

Son front est presque collé au mien. Emma et Irsal réagissent simultanément. Des bras m'encerclent pour me retirer un peu plus en arrière, tandis qu'Emma essaye tant bien que mal de faire de même, mais n'y parvient pas.

— Je ne répéterai pas, mais frappe-moi si ça te chante, de toute façon c'est une habitude chez toi les accès de violence non ?

Je sais que mes propos vont beaucoup trop loin, j'en suis parfaitement consciente, tout comme le fait que je joue clairement avec le feu. Ici nous sommes en sécurité, dans un club remplis de videurs et entourés de monde.

Julien serre son poing puis décontracte ses doigts. Il respire fort, mais ne fait rien.

— C'est bien ce qu'il me semblait, dis-je en appuyant sur son égo de mâle alpha, pour qu'il puisse en prendre un coup.

Les bras de Irsal me soulèvent entièrement et m'emmènent beaucoup plus loin. Il faut croire que ce soir ce fut ma bataille contre Julien. Alors que tout portait à croire que c'était mon meilleur ami qui allait la mener. Toujours face à moi, Emma a le regard vide. J'ai le cœur en vrac de la voir prise dans cette relation toxique qui l'empêche d'être elle-même.

— Julien tu ferais mieux de te casser d'ici avant que mon point ne finisse dans ta gueule, et sache que j'en suis capable là tout de suite. Je ne tolère pas que l'on s'attaque aux êtres qui me sont chers, met en garde Irsal. Emma, poursuit-il, tu décides si tu veux rester ou partir, si tu le choisis alors prends bien soin de toi.

Emma déplisse sa magnifique robe pourpre et s'éclaircit la voix. Tremblante et chevrotante, elle annonce :

— Je vais rentrer avec Julien ce soir, désolée.

Le sourire victorieux qu'affiche l'homme en face de moi fait renaître la haine qui venait de s'apaiser tout juste.

— Vous voyez, elle me préfèrera toujours, peu importe toutes les stratégies que vous mettrez en place pour nous séparer, parce que vous n'attendez que cela ?

— Quitte-le.

La voix d'Irsal est ferme et il ne calcule plus du tout Julien. Le bras de ce même tire notre meilleure amie à travers la foule qui est sur la piste de danse, la seule direction pour sortir du club. Doucement, la pression autour de ma taille se fait moins forte. J'avais oublié que j'étais collé-serré à mon pote.

Un simple regard suffit pour que nous nous disions tout ce que nous pensons de cette situation sans qu'un seul mot émerge.

— Putain lâche-t-il en se passant une main dans ses cheveux. Je t'ai laissé mener ce combat seule, j'aurais dû agir et je n'ai rien fait. Je m'en veux tellement. J'ai vraiment cru que ce taré allait te frapper Jade. J'ai eu si peur...

— Je pense que je ne craignais rien, tu sais nous étions entourés de gens. Je te promets que j'ai essayé de me retenir de ne pas être encore plus crue et violente dans mes propos parce que je ne voulais pas affecter Emma encore plus qu'elle ne l'était déjà...

— Tu as vu ses yeux ? Ils étaient gorgés de larmes.

— Elle est follement amoureuse de lui, c'est la simple raison qui la fait tenir. Du moins il lui fait croire que c'est comme cela que se matérialise les sentiments amoureux pour une personne. C'est un manipulateur...

— Et on l'a laissé partir avec lui ! Tu crois qu'elle est en sécurité ?

— Franchement, je suis sûre qu'elle est beaucoup plus en sécurité en étant partie avec lui parce qu'il va se sentir confiant. Elle vient de faire un choix, partir avec lui plutôt que de rester avec nous. Et c'est exactement ce qu'il cherchait.

— Il faut absolument que nous fassions quelque chose, quitte à ce que je foire ma cinquième année de médecine, je serai prêt à tout tu m'entends !

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