Madame la présidente

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Les vacances s'achevèrent sans plus d'anicroches. Ni Mordret ni Naola n'évoquèrent le contrat que la jeune fille avait accepté. Ils firent comme si leur dispute n'avait jamais eu lieu.

Le dimanche, la sorcière insista pour faire le point sur les dix jours passés à ouvrir le pub dès la fin d'après-midi. Les recettes s'avéraient faibles, mais pas inexistantes. Certains clients revenaient plusieurs soirs d'affilée. Elle avait sympathisé avec deux gars un peu plus âgés qu'elle. Lawrence et Niles, deux têtes brûlées en mal d'adrénaline qui avaient trouvé leur nouveau hobby : jouer aux cartes menteuses avec des vampires. Des petits branleurs, pensait Naola lorsqu'elle les surveillait du coin de l'œil. Mais des branleurs pétés de thunes qui payaient régulièrement leur tournée. Elle leur devait une bonne partie du chiffre d'affaires des vacances.

Les trois jours de cours qui précédèrent le contrat de la Vieille Naine parurent terriblement fades à Naola. Rester assise toute la matinée pour ingurgiter une théorie qu'elle connaissait déjà fut un supplice. Même les après-midi de pratique et d'exercices de vol ne la tirèrent pas de son ennui. Teija et Seda tentèrent bien de l'amener sur le sujet de la prochaine course que disputerait leur équipe, peu avant les vacances suivantes, mais la jeune fille n'y prêta qu'une attention relative. Elle pensait au pub, à ses clients, à de nouvelles idées de cocktails. De fait, ses résultats ne décollèrent pas au-dessus du médiocre.

Lorsque le jeudi arriva enfin, Naola se présenta au bâtiment de la Vieille Naine aux alentours de quatorze heures. À l'accueil, on lui donna des coordonnées où se transférer, car la réception du soir ne se déroulait pas sur place. Le hall, le bureau et les entrepôts grouillaient de leur activité habituelle. Des mécas ouvriers allaient et venaient, chargés de caisses, de piles de tissus et de pièces détachées mécaniques. Cette effervescence abrutissante ne manquait pas du tout à la jeune fille qui s'empressa de ressortir.

Elle se transféra dans un grand hall, ou un réfectoire. De larges tables rondes s'éparpillaient dans tout l'espace, entourées de banc et de chaises dépareillées. Le lieu, vide, résonna sous les pas de Naola. Elle tourna sur elle-même, perplexe. Elle ne pouvait pourtant pas s'être trompée d'endroit.

« Naola ! l'alpagua la voix de la Vieille Naine derrière elle. Par ici, dépêche-toi. »

La jeune fille s'empressa de rejoindre la mégère qui trottinait à travers un long couloir.

« Je pensais que ça se passerait chez vous...

— Tu peux me tutoyer, tu sais, ma petite », répondit la femme en lui faisant signe de presser le pas.

Elle s'avérait étonnamment véloce pour de si courtes jambes. Elle s'engagea dans un escalier et demanda, de but en blanc :

« Tu t'es renseignée sur la soirée ?

— Heu... »

La Vieille Naine s'arrêta net quelques marches au-dessus de Naola, de telle sorte qu'elle pouvait lui faire face sans avoir à lever la tête.

« Non ?

— Non.

— Mais qu'est-ce que t'apprend Mordret ? » s'exclama la matrone avant de reprendre son ascension.

Naola fronça le nez, mais s'abstint de tout commentaire. Elle aurait, en effet, pu chercher à en savoir un peu plus, au lieu de bouder Mordret durant toute la fin de ses vacances.

« Nous fêtons l'anniversaire de Petra Perm », l'informa la Naine.

À son tour, la jeune fille pila et s'immobilisa au milieu du passage.

« L... l'une des trois présidents ?

— Elle-même ! Dépêche-toi ! »

Naola lâcha un sifflement et écarquilla les yeux avant de se remettre en marche, accélérant pour rattraper son retard. Des trois présidents élus à la tête de la Fédération, Petra Perm était la plus connue et celle qui occupait son poste depuis le plus longtemps. La jeune fille ne s'intéressait pas vraiment aux histoires politiques du pays, mais elle savait que ses parents n'appréciaient que moyennement cette dirigeante trop accrochée à son pouvoir.

Bienvenue au Mordret's Pub - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant