Bienvenue au Mordret's Pub - Tome 2

Évasion

« Tu t'en vas ? demanda Jérôme en observant Naola jeter pêle-mêle ses affaires dans son sac.

— Ouais.

— Très court, finalement, ton séjour ici. T'as même pas touché à ma compta. »

L'adolescente esquissa un sourire désolé et haussa les épaules.

« Ça s'arrange avec mes parents, donc je vais rentrer chez moi », mentit-elle.

Pour rien au monde elle ne les aurait impliqués. Ils avaient passé tellement de temps à la prévenir des intentions néfastes de Mordret et à l'avertir des risques pour Maden... elle craignait trop de les mettre, encore une fois, en danger. Pour les mêmes raisons, elle avait envoyé un mémorigami à Seda et Teija, prétextant être souffrante pour justifier son absence à leur ultime grosse journée d'entraînement avant la rentrée.

« Oh, cool ! C'est une super bonne nouvelle, s'enthousiasma Jérôme.

— Comme tu le dis ! répondit-elle en se plaquant un air enjoué sur le visage. Excuse-moi, du coup, je suis un peu pressée...

— Je te laisse faire tes bagages, pas de soucis. Tu seras quand même des nôtres, cet été, pour l'expédition ?

— Oui, certainement ! »

Naola pinça les lèvres lorsqu'il sortit de sa chambre. Un mensonge de plus. Elle ne voulait pas non plus attirer sa curiosité. Lui expliquer la situation aurait pris trop de temps et elle ne disposait que d'une vingtaine de minutes. Elle l'appréciait beaucoup et se sentait reconnaissante pour l'aide qu'il lui avait apportée, mais elle s'opposait ouvertement à la Vieille Naine, donc moins il en savait, mieux il s'en porterait.

Son sac fait, elle s'empressa de rejoindre les mécamages. Ils l'attendaient au Boulon Plein, à une dizaine de minutes du magasin. Avec sa cape de discrétion, personne ne lui prêta attention lorsqu'elle entra dans la gargote.

« T'as pu prendre de la nourriture ? demanda Maden lorsqu'elle se laissa tomber à leur table.

— Pour les premiers jours, seulement. On avisera après. Le voyage va être long jusqu'à Niémen. »

Le jeune homme hocha la tête, l'air grave. Naola ne disposait pas des ressources suffisantes pour se transférer avec deux êtres dénués de magie en toute sécurité. Ils avaient donc décidé de fuir en hexoplan, ce qui s'annonçait périlleux et inconfortable, mais toujours moins dangereux qu'un déplacement autonome mal géré.

Louve vida d'une traite la chope qui trônait devant elle, puis elle se releva et lança d'une voix enjouée.

« Bon. À l'attaque ? »

Les quatre complices se rendirent aux bâtiments de la Vieille Naine. Louve et Kayané entrèrent par la grande porte, laissant le couple seul. Maden les suivrait, dans une dizaine de minutes. À cette heure-ci, les mécamages attablés dans les cuisines ouvrières étaient très nombreux. Tous les websters étaient réquisitionnés pour le service du soir. Les deux filles étaient chargées de provoquer une « grosse diversion » pendant que Maden récupérait son frère. Naola, quant à elle, trouverait un accès aux toits et attendrait les fugitifs, prête à décoller.

Naola avait vivement protesté contre ce plan qui la mettait de côté et l'empêchait de leur porter secours en cas de problème. Louve l'avait ignorée tout en nouant une large ceinture autour de sa taille. Elle y avait suspendu une arme de poing, puis avait haussé les épaules.

« Écoute, ma chérie, t'es pleine de bonne volonté et, au fond, je t'aime bien, même si t'es une sorcière. Mais aussi adorable sois-tu, t'as aucune idée de ce que c'est, le terrain. Tu t'es jamais battue sérieusement. Si ça dégénère — mais ça ne dégénéra pas, y a pas de raison — , tu nous gêneras, c'est tout.