Les mécartificiés

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« J'y vais », murmura Maden, à mi-voix.

Naola bougea et soupira en se pelotonnant dans les méandres de la couverture qu'il avait laissée disponible. Elle jeta un œil endormi en dehors de son nid et fronça les sourcils.

« C'déjal'heure ? » n'articula-t-elle pas, en le cherchant des yeux.

Il se tenait en bas, dans le salon-entrée-cuisine de sa piaule, un manteau noir à col fourré sur le dos, un sac en bandoulière, un bonnet sur le crâne et la main sur la poignée de la porte d'entrée. Il leva la tête vers la mezzanine et croisa le regard de la jeune femme. Il lui sourit, se détourna de la sortie et monta les échelons du périlleux et étroit escalier pour la rejoindre.

« J'suis même en retard en fait, j'ai eu du mal à m'lever.

— J'vois pas pourquoi... » répondit-elle en se redressant sur les coudes.

Elle lui tendit sa bouche et il se courba vers l'avant. Ils s'embrassèrent.

« J'devrais être de retour avant qu'tu commences ton service. Si tu veux bien attendre ici.

— Toute seule, toute la matinée, ici ?

— Comme tu veux. J'comprends que ça puisse t'emmerder. C'est comme tu veux.

— Je vais t'attendre... Je trouverai de quoi m'occuper, ça va », répondit-elle après un bref instant de réflexion et un bâillement.

Quelques minutes plus tard, Maden sortit de chez lui et Naola se laissa glisser sur le dos. Elle plaça ses mains derrière sa nuque et poussa un long soupir. Rester toute la matinée ici ne l'enchantait pas, mais ils ne se voyaient pas beaucoup et la courte soirée passée avec le jeune homme lui laissait un goût de trop peu.

Elle ne pouvait pas rentrer au pub, puis revenir plus tard, Mordret l'en empêcherait en déployant des trésors de mauvaise humeur...

Sans grande surprise, le vieux vampire s'opposait très vivement à cette relation. Leuthar avait explicitement demandé à ce que la sorcière cesse de fréquenter les mécamages, et voilà qu'elle sortait avec l'un d'entre eux. Voulait-elle définitivement s'attirer des ennuis ? Qu'est-ce qu'elle avait dans la tête ?

En un sens, son patron n'avait pas tort. Maden et elle jouaient avec le feu : les paroles du leader de l'Ordre ne pouvaient être prises à la légère. Le couple s'armait de mille précautions pour se rejoindre.

Naola aménageait son emploi du temps pour leur trouver des moments à deux.

Elle soutenait à ses parents être au pub et à Mordret être chez ses parents. Le vampire, probablement pas dupe, avait la décence de faire semblant de la croire. Sa mère et son père ignoraient tout de sa relation avec le mécamage et étaient à mille lieues de soupçonner quoi que ce soit. Elle ne leur avait pas non plus dit, pour Lawrence. Ses histoires de cœur ne regardaient qu'elle.

La jeune fille se tourna sur le côté et cacha sa tête sous la couverture, comme si ce geste avait pu chasser sa gêne. Quand avec Maden le temps filait avec une rapidité cruelle, avec Lawrence, elle s'ennuyait. Il lui rendait visite au pub aussi souvent que possible, elle l'appréciait beaucoup, elle passait des moments agréables avec lui... mais rien de comparable à ce qu'elle ressentait avec Maden. Elle se sentait coupable de se servir de lui de cette façon.

Il leur offrait une couverture parfaite : plus l'adolescente s'affichait avec lui, moins on pourrait soupçonner sa relation avec Maden.

Naola ouvrit les yeux en sursaut, surprise de s'être rendormie. Une lumière grisâtre perçait la lucarne de la chambre. Il devait être assez tard. La jeune fille se leva et, par pur plaisir, dénicha l'un des t-shirts de Maden, en fouillant dans sa commode. Elle l'enfila, puis observa le tissu bâiller en plis informes. Le col s'avérait tellement large qu'il tenait presque du décolleté. Elle trouva cela parfait.

Bienvenue au Mordret's Pub - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant