Bienvenue au Mordret's Pub - Tome 2

L'avis du patron

Mordret ne s'encombra guère de commentaires lorsqu'il visionna le mnémotique de la soirée. Il ne réagit ni aux informations que Naola espérait avoir récoltées ni à celles qu'elle pensait avoir laissé filer... ni à l'attaque de Charm. Pas un mot d'excuse, pas même le début d'une expression faciale. Il s'était contenté d'un hochement de tête et d'un très laconique :

« Vous avez encore du progrès à faire quant à la précision de vos souvenirs, mais je ne m'attendais à rien. »

L'adolescente en tira beaucoup d'amertume. Elle se réfugia deux jours chez ses parents qui, surpris de la voir revenir si vite, et heureux qu'elle se tourne vers eux, eurent la délicatesse de ne pas trop insister pour connaître les causes sa venue. Elle leur expliqua, à demi-mot, qu'elle avait eu un souci avec un vampire. Comme Mordret, ils ne firent aucun commentaire, mais, à eux, Naola fut reconnaissante.

Lorsque la jeune serveuse regagna le pub, elle entreprit de bouder ouvertement son patron, qui ne sembla pas s'en apercevoir. La vampire rousse pour sa part, n'eut pas l'audace de pointer ses canines dans l'établissement.

Lawrence, lui, s'y installa toutes les soirées et une bonne partie de ses nuits. La lune décroissante se traduisait toujours par un passage à vide dans la fréquentation et le sorcier pouvait, sans risque, rester flirter avec la barmaid. Chose qui, par ailleurs, avait l'air d'agacer Mordret. Ce qui enchantait Naola.

Le tout jeune couple se quittait vers quatre heures du matin, à la fin du service de l'adolescente, puis se retrouvait vers midi. Le garçon l'invitait à manger, dans différents restaurants des Halles Hautes. Après quoi, elle retournait au pub, pour suivre l'entraînement du vampire que son manque d'application rendait très irritable.

Les vacances de la solsticiale s'écoulèrent ainsi, entre la mauvaise humeur du patron et les rendez-vous galants légers et sans grande prise de tête. Les discussions avec Lawrence n'avaient rien de très profond, mais elles restaient agréables. Ils plaisantaient et riaient beaucoup. Naola se sentait heureuse, mais pas amoureuse.

À la veille de la rentrée, Mordret insista pour que sa serveuse tente d'apprendre un nouveau sortilège. Une litanie complexe qui demandait une concentration terrible, mais qui pouvait, en théorie, aider un vampire à s'apaiser. Naola rechigna à se prêter à l'exercice qui lui semblait au-dessus de ses moyens ou, en tout cas, beaucoup trop fatigant. C'était sa dernière soirée avec Lawrence avant de retourner en cours, elle voulait en profiter. Installée sur un tabouret, côté client du bar, elle croisait les bras, la mine fermée.

« Je vous dis que c'est trop. Vous m'avez déjà bassinée avec ça hier, j'ai essayé, je n'ai pas du tout aimé la sensation ! » argumenta-t-elle.

Mordret lui répondit par un grondement impatient et désigna l'ouvrage entre eux deux.

« Vous vous y prenez mal. Relisez, puis réitérez. Ce maléfice est essentiel pour vous préserver de la rage des miens.

— Mais je me débrouille très bien avec les vôtres ! s'exclama la jeune fille, butée.

— Ceci, mademoiselle, est plus que présumer de vos compétences. Et cette présomption n'est pas sans risques.

— Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal, à la fin ? Est-ce qu'un de vos clients m'a jamais attaquée, depuis septembre ?

— Croyez-vous ne dépendre de moi que durant votre service ? » gronda-t-il en découvrant le bas de ses canines.

Naola leva les yeux au ciel et soupira de façon très bruyante.

« Oui. Oui, Monsieur, en dehors de mon travail, je n'ai pas de comptes à vous rendre. C'est un fait, pas une croyance !

— Que vous le vouliez ou non...