La grotte

287 55 11
                                    

« Réveille-toi, Naola, réveille-toi ! »

La voix pressante de Maden tira la jeune fille du sommeil. Il lui semblait n'avoir fermé les yeux qu'une dizaine de minutes et pourtant, l'aube grise projetait sa lumière cotonneuse à travers l'entrée de leur refuge. L'adolescente grogna et se redressa brusquement, désorientée.

« Dissimule-nous ! » ordonna le mécamage.

La panique qui suintait dans son ton et dans tous ses gestes alerta l'interpellée.

« Qu'est-ce qui...

— Camoufle la grotte, tout de suite ! » l'interrompit Maden en lui saisissant les épaules.

Il la fit pivoter vers l'ouverture. La forêt, pétrifiée par les derniers assauts de la nuit, se distinguait mal dans le faible contre-jour.

« Vite ! »

Sans réfléchir plus loin, l'adolescente attrapa son concentrateur et lança le premier sortilège qui lui vint à l'esprit. L'urgence et la peur de Maden lui inspirèrent une solide protection, tirée d'un des nombreux grimoires temporels interdits de la bibliothèque du Mordret's Pub. De l'extérieur, personne ne remarquerait la brèche au sein des roches, alors qu'à l'intérieur ses occupants conservaient toute visibilité.

Moins de dix secondes plus tard, un groupe de cinq mercenaires apparut dans la clairière, le Baron à leur tête. Naola, même dissimulée par son charme, se plaqua contre le sol, le cœur battant. Le colosse tenait un mnémotique à la manière d'une carte et se dirigea droit sur leur repère minéral. Il en scruta la paroi de longues minutes. L'adolescente eut l'impression de croiser son regard lorsqu'il glissa sur leur dégagement, sans le voir. Dans la grotte, tous retenaient leur souffle.

« Balise de merde ! Il devrait être là, gronda le Baron en se détournant de l'amas rocheux. Toi, tu fais le guet ici, et vous autres, passez-moi la zone au peigne fin ! Il est là, quelque part ! Faites gaffe, il est probablement pas seul, il peut pas avoir couvert cette distance en une nuit. »

L'escouade se dispersa au pas de course et l'homme désigné s'installa en contrebas, l'arme au poing. Les réfugiés se retrouvaient coincés au fond de leur cachette. Impossible de sortir sans se faire immédiatement repérer. Piégés.

« Je t'avais dit qu'ils se mettraient en chasse », murmura Kímon.

Il avait reculé tout au fond de l'espace et se tenait tellement collé contre la paroi qu'il aurait pu s'y fondre.

« Si vite... articula Naola d'une voix blanche en se redressant.

— Ils savent toujours où je suis...

— Ah... »

La jeune femme s'assit et se prit l'arête du nez entre les doigts. Ils étaient bien dans la merde. Elle jeta un regard à Maden puis lui adressa un sourire tendu.

« Contente de te voir réveillé. Comment va ton épaule ?

— Mieux, j'suppose », souffla-t-il en réponse.

C'était faux. La peur passée, son visage blême restait tiré de douleur. Une sueur fiévreuse perlait au coin de sa mâchoire crispée. Naola sentit une bouffée de panique faire pulser le sang contre ses tympans. Si le Baron pouvait localiser Kímon, il reviendrait inspecter de plus près la formation rocheuse. Leur planque ne résisterait pas à un examen minutieux. Leur sursis s'avérait de courte durée. Elle refusait d'imaginer le sort qu'on leur réserverait, une fois découverts. Fallait y penser avant, ma grande, songea-t-elle et, amère, elle se rendit à l'évidence :

« On est coincés.

— Faut qu'on s'barre de là, répliqua Maden très bas.

— T'es pas en état, rétorqua-t-elle en se prenant la tête entre les mains. Je peux me transférer, moi, seule, mais je ne peux pas vous déplacer tous les deux. Je peux même pas vous déplacer l'un après l'autre. Et même si on arrive à se faufiler derrière le gus dehors et à quitter la zone, s'ils peuvent localiser Kímon, où qu'on aille, je... On est coincés. »

Bienvenue au Mordret's Pub - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant