Bienvenue au Mordret's Pub - Tome 2

Tenue correcte exigée

« Habille-toi bien, ça sera plutôt chic », avait précisé Lawrence, lorsque Naola avait accepté son invitation.

Naola détailla sa robe d'un œil critique à travers le miroir de sa petite chambre au Mordret's Pub. C'était sa mère qui la lui avait prêtée de bonne grâce, et la jeune fille devait reconnaître qu'elle appréciait l'image qu'elle se renvoyait, même si elle la pressentait un peu trop sérieuse pour les festivités à venir. Elle entreprit de se maquiller avec soin.

L'adolescente se sentait apaisée. Après leur dispute, ses vacances chez ses parents s'étaient terminées sans faux semblants, sans sous-entendus ou mises en garde voilées et le début de son séjour au pub se profilait sous les meilleurs auspices.

Lawrence devait venir la chercher directement au bar, en début de soirée. Mordret assurait le service, cette nuit, et elle trouva amusante l'idée d'aller lui commander un verre. Elle n'eut pas l'occasion de passer à l'action : le vieux vampire l'interpella à peine le pied posé en bas de l'escalier.

« Cette robe ne convient pas.

— Je vous demande pardon ? » sursauta l'adolescente en se tournant vers lui.

Il faisait sombre dans le couloir qui menait au bar et elle avait du mal à le distinguer dans la pénombre. D'un geste agacé, elle lança un sortilège lumineux. Mordret, les bras croisés, répéta :

« Cette robe ne convient pas à l'endroit où vous vous rendez. Monsieur Emerson, de par sa naissance et la richesse de sa famille, ne fréquente guère autre chose que des soirées mondaines. Ce soir n'y fera pas exception et il y aura là-bas une bonne partie de la jeunesse aisée de la Fédération.

— Vous m'avez déjà mise en garde, Monsieur, même si ce que vous me dites ne m'étonne qu'à moitié, de la part de Lawrence », soupira Naola, croisant les bras à son tour.

Son patron avait, en effet, passé un certain temps à lui détailler les possibles « fils et filles d'aristocrates » qui assisteraient à la soirée. L'adolescente ne comprenait pas pourquoi il insistait tant sur le sujet. Il la stressait. Elle n'aimait pas l'idée de se retrouver, encore une fois, dans un milieu dont elle ignorait tout.

« Il ne s'agit pas d'une mise en garde, mademoiselle, répondit la créature en inclinant la tête sur le côté. Je souhaite que vous vous serviez de vos yeux et de vos oreilles, ce soir. Les jeunes hommes et femmes vont discuter, de choses insignifiantes, sans le moindre doute. Mais il n'est pas improbable qu'au cours d'une conversation anodine, ils puissent mentionner quelque activité parentale... Ce genre de renseignement a de la valeur. Je tiens à ce que vous me fournissiez un mnémotique de votre expérience. »

Naola resta la bouche entrouverte plusieurs secondes.

« Vous voulez que j'espionne pour votre compte ?

— J'y vois surtout une occasion non négligeable d'aborder avec vous, par un cas pratique, la collecte d'informations, nuança la créature d'un ton neutre.

— Vous voulez que j'espionne pour votre compte, répéta Naola en arquant les sourcils.

— Vous êtes partie intégrante de mon réseau, vous former sur ce terrain ne manquerait pas d'augmenter votre valeur...

— Ma valeur vous emmerde, Monsieur, je vous ai déjà demandé de ne pas me parler comme ça », coupa sèchement la jeune fille.

Ils s'observèrent de longues secondes, puis elle poussa un soupir et haussa les épaules.

« Je vous fournirai votre mnémotique...

— Vous veillerez à vous montrer attentive à chaque détail, chaque conversation...