Captivité

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Le vampire laissa Naola seule plus de vingt-quatre heures. La jeune fille s'acharna contre la porte, tourna en rond, insulta Mordret à travers le mur, retenta de faire exploser sa fenêtre, sans autre succès que celui d'obtenir une forte migraine, causé par la violence de la détonation. Finalement, elle se réfugia sur son lit. Elle ne parvint à trouver qu'un sommeil agité, que le moindre bruit brisait. De sombres pensées hantèrent sa nuit et tiraillèrent son ventre d'une boule d'angoisse et de tristesse.

Au fil des mois, elle en était venue à apprécier Mordret, à l'écouter lorsqu'il la conseillait. Elle avait cru déceler quelque chose s'approchant de la bienveillance, dans son comportement distant. « Devenir son humaine... » L'expression prenait un sens très amer dans l'esprit de la jeune fille. N'avait-elle jamais représenté plus de choses qu'un meuble pour le vampire ? L'avait-il considéré autrement que comme un joli petit animal de compagnie qui se laisserait amadouer par quelques années de vie en plus ?

Quand elle ne brassait pas d'idées noires, l'adolescente oscillait entre la colère et la peur. Jamais sa situation ne lui avait semblé si critique. Mordret avait beau être réputé non-agressif, elle n'en restait pas moins à la merci d'une créature dont les intentions avaient radicalement changé à son égard. Pire, ses parents finiraient par s'inquiéter et risquaient de se mettre gravement en danger s'ils entraient en conflit avec le vampire. Elle n'avait qu'une crainte : que Mordret lui force la main en les menaçant.

La jeune fille sursauta lorsqu'elle entendit le loquet de sa porte se déverrouiller. Elle se recula au fond de son lit quand Mordret pénétra dans la chambre. Comme si cinquante centimètres de distance en plus pouvaient faire la moindre différence...

Mordret portait une assiette de riz et une carafe d'eau. Ils échangèrent un regard et Naola détourna les yeux.

« Je présume que vous n'avez pas changé d'avis ? demanda le vampire.

— Et vous ? » répondit-elle.

La créature ne réagit pas et déposa son plateau sur la table de chevet. La jeune fille serrait les dents. Toute à sa colère, elle en avait même oublié d'avoir faim.

« Vous pouvez garder votre repas, je ne mangerai rien tant que vous n'aurez pas changé d'avis. Et ne croyez pas que vous me reteniez ici. Je suis chez moi, c'est écrit dans notre contrat », souffla-t-elle d'une voix sourde alors qu'il lui tournait le dos pour sortir.

Mordret s'immobilisa, la main sur la poignée. Naola poursuivit sans lui laisser le temps d'intervenir.

« Je ne partirai pas d'ici et je ne serai pas votre sorcière. Il va falloir vous y faire. Vous pouvez aussi bien lever vos enchantements de...

— Dans le doute, mademoiselle, je ne saurais me dispenser de vous laisser de quoi vous restaurer. Quant aux artifices qui vous retiennent, si vous ne comptez pas vous en aller, vous ne verrez aucun inconvénient à ce que je les maintienne. »

Il sortit et Naola poussa un très long soupir. La tête rejetée en arrière, les paupières closes, elle laissa glisser ses pensées. Son bluff aurait pu fonctionner : Mordret ne comprenait jamais rien à ses états d'âme. Le mensonge contenait cependant une part de vérité : dans cette chambre, elle se sentait chez elle, quand bien même elle s'y retrouvait prisonnière.

L'adolescente jeta un coup d'œil à son repas. Elle n'avait toujours pas faim. Elle se redressa et descendit un grand verre d'eau. Est-ce que le vampire saurait appréhender le concept d'une grève de la faim ? Elle en doutait, mais il n'était pas dans l'intérêt de Mordret qu'elle se laisse dépérir. Si elle devenait trop faible, il serait bien obligé d'appeler un médic' pour la soigner... Elle envisagea un instant de se blesser volontairement, mais elle ne s'en sentait pas le courage. Pas tout de suite. Si la situation durait...

Bienvenue au Mordret's Pub - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant