29 ¦ Cendres

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Le café lui brûlait la lèvre inférieure tandis que son regard passait sur les couches de documents entre ses mains. Pourquoi était-ce à elle qu'on refilait toujours les pires dossiers ? Il fallait qu'elle trouve rapidement un moyen de conclure le flux d'informations sur cette patiente et la psychologue était loin de vouloir laisser le mystère stagner sur cette situation.

Il y a à peine deux mois elle essayait d'assimiler, face à ce lit minuscule et semblable à des dizaines d'autres, la vie d'Usogai Haguchi et son accident récent.

Il y a huit semaines, elle avait exceptionnellement laissé la pitié envahir son esprit face au yeux bandés du corps comparable à une brindille qui reposait paisiblement.

Il y a soixante longs jours, cette jeune adulte s'était réveillée d'un coma dans lequel son cerveau l'avait plongée durant de longues journées. Et elle n'avait sûrement eu comme seul compagnon que la vision floue et éphémère de la lumière blanche au dessus d'elle.

Il lui avait fallut pas moins de cinq longues minutes pour que quelqu'un accoure dans sa chambre, probablement les plus courtes de sa vie. Jamais elle ne comprendrait l'expression sereine qui avait pris place sur l'effroi d'être perdue.

Lorsque qu'enfin une infirmière avait pu constater de ses propres yeux les dégâts du sommeil sur ce visage livide, elle crût dans un premier temps que la fameuse Haguchi était toujours endormie pour une longue visite à Morphée.

Pourtant elle était bien là, et vivante. Allongée de profil, cachant son visage qui exposait des expressions qu'il lui était impossible de voir entre ses cheveux sombres. À moitié noyée dans la fine couverture de coton comme pour s'y fondre tel des cendres mortuaires.

La vue ne semblait même pas être le seul sens qu'elle avait perdu. Les heures qui suivirent où tous avaient défilé dans sa chambre pour essayer de lui délier la langue, passant des chirurgiens qui l'avaient opérée, à son propre frère. Rien n'avait aidé à la faire sortir du mutisme.

Seul le vide silencieux qui régnait dans la pièce quand chacun abandonnait tour à tour semblait pouvoir être à la fois son premier réconfort et son dernier ennemi.

C'est à ce moment-là qu'elle avait du intervenir, en tant que psychologue titulaire hospitalier. La femme était persuadée d'avoir affaire de nouveau au discours d'une énième patiente traumatisée par son accident.

Ce fut tout autre. Alors elle avait déclaré en s'asseyant sur une chaise, unique meuble de la pièce si on oubliait le matériel médical qui l'entourait.

"- Mademoiselle Haguchi ?

La concernée n'avait même pas semblé prendre le temps de tourner ses prunelles vers elle pour lui montrer qu'elle avait considéré ou simplement senti sa présence. Restant simplement tel une statue antique dans la même position que depuis des heures.

- Je m'appelle Amaya. Et comme si lui donner son prénom offrait le droit impromptu de se rapprocher un tant soit peu mentalement, la psy continua. Je sais que cela à du être compliqué de vivre un tel accident mais nous devons impérativement comprendre les causes de ces brûlures pour vous donner une analyse concrète, ainsi que les soins nécessaires.

Pourquoi si sérieux ?

À nouveau, Haguchi ne daigna même pas effriter la barrière construite autour d'elle, ne bougeant seulement que grâce à ses longues inspirations soulevant la chemise au niveau de son torse.

Body Paint ¦ ᴰᵃᵇᶤ ˣ ᵒᶜOù les histoires vivent. Découvrez maintenant