Chapitre 11 L'affrontement

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1957, 12 avril

Le plan avait le mérite d'être simple. Adela se présenterait seule à Cramond. Le Clan McDonald ne serait pas loin, prêt à intervenir dès que les sorciers penseraient avoir le champ libre. Ces derniers seraient sans doute méfiants mais aussi pressés d'en finir. Or, le rituel pour anéantir le Letiferus demanderait sans doute un peu de temps, car le sort qui liait le Devolatus à la lignée était puissant et ancien. Dès la cérémonie enclenchée, les sorciers trop absorbés, seraient moins sur leur garde. S'il existait un risque, il était du côté d'Adela. Hendry espérait qu'elle tiendrait le coup le temps qu'il fallait.

La jeune femme marchait donc seule le long du mur de pierres grossières qui entourait Cramond Kirk et son cimetière. Malgré les ondes d'apaisement que Gita lui avait transmis avant le départ, elle souffrait. La douleur pulsait à chacun de ses pas. Sourde, lancinante, impossible à ignorer. Adela s'était arrêtée par deux fois pour reprendre son souffle. Pourtant, à aucun moment, elle n'avait envisagé d'abandonner, de faire demi-tour. Elle n'abandonnerait pas Brune.

Si l'enfant était en danger, c'était manifestement à cause d'elle. Elle devait réparer cette faute. Et même si elle n'avait pas conscience d'en avoir fait une, elle la prenait pour elle, la faisait sienne, en payerait les conséquences. Elle mourrait. Brune vivrait

Depuis qu'elle avait entendu la jeune Gita affirmer qu'elle était déjà morte, Adela, sans se résigner pour autant, acceptait avec plus de sérénité sa fin prochaine. L'entendre de la bouche de cette jeune fille lui avait fait réaliser que son existence n'était pas importante pour elle-même, mais pour ce qu'elle avait à apporter aux autres. Elle mourrait probablement sans gloire, et tout le monde l'oublierait. Mais celle qu'elle allait sauver accomplirait peut-être de grandes choses. Et cet espoir était tout ce qui comptait.

Adela sourit. Elle se sentait comme une femme qui vient d'enfanter et qui, devant la découverte de son cœur gonfler d'un amour profond face à son nourrisson, prend conscience qu'elle est désormais aussi une mère. C'était ça. Elle se sentait mère. Elle était mère.

Lorsque les jumeaux avaient ramené Adela Prat inconsciente le matin même, Hendry s'était étonné de voir une femme sans envergure. La Letiferus n'était ni jeune, ni vieille. Ni belle, ni laide. Ordinaire. Elle était parfaitement ordinaire. La surprise passée, il avait observé avec intérêt la réaction de Pàl. Ou plutôt son absence de réaction. Cette maîtrise, qui ne lui ressemblait pas, indiquait qu'il était troublé. Déception ? Autre chose ? Hendry soupçonnait son cousin de lui cacher un élément important. Et il détestait ça. Dès que cette histoire serait terminée, et il ne doutait qu'elle le soit bientôt, ils auraient tout le temps d'en parler. Et Pàl allait parler. La situation était trop exceptionnelle pour laisser le Clan dans l'ignorance. Les enjeux étaient bien trop importants.

Hendry sentit que l'esprit de la femme sur laquelle il avait une emprise commençait à reprendre le dessus. Il réaffirma sa volonté sans grande difficulté. Sa victime était loin d'avoir assez de caractère pour arriver à lui résister.

L'idée de suivre Adela grâce à la coopération forcée d'un naturel s'était imposée lorsqu'il s'était assis à côté de la Letiferus dans le bus en direction de Cramond. Il avait remarqué plusieurs regards interrogateurs se poser sur la jeune femme. Il est vrai qu'elle n'avait pas fière allure avec sa jupe chiffonnée et ses traits tirés.

Il s'était alors vaguement demandé si l'une de ses personnes aurait le cran de venir voir si Adela avait besoin d'aide. Une seule femme avait jeté des coups d'œil appuyés vers la Letiferus. C'est comme ça qu'Hendry l'avait choisie. Il était allé s'asseoir près d'elle avec aplomb. Le reste avait été d'une telle simplicité qu'il s'était même demandé si sa victime n'était pas déjà sous le joug de quelqu'un.

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