1957, 11 avril
Une porte claqua bruyamment dans le vestibule du manoir. Hendry reconnut la main de son cousin, incapable de refréner ses humeurs ou sa force naturelle. Cette fâcheuse habitude, l'obligeait, lui, à programmer la réparation des huisseries un peu trop souvent à son goût.
— Pàl ? Appela-t-il, le regard rivé sur l'entrebâillement de la porte de la bibliothèque où il était assis un livre à la main.
Une haute silhouette entra d'un pas décidé. Pàl Skene avait le type scandinave, bien bâti, les cheveux blond coupés courts et soigneusement coiffés en arrière, un visage qui aurait pu être avenant sans ce regard noir et cette mâchoire carrée, des mains larges et puissantes, une attitude générale d'assurance et d'obstination. Un type que l'on pouvait apprécier en de très rares occasions, mais qui déclenchait plus souvent une détestation violente chez autrui. Moins un viking qu'un voyou en costume hors de prix.
— Hendry, dit-il en guise de salut en s'affalant dans le premier fauteuil à sa portée.
— Une certaine Moïra Davidson a appelé ce matin. Elle souhaitait te parler.
— Moïra ? S'exclama Pàl avec une légère crispation des mains sur les accoudoirs du fauteuil.
— Davidson, répéta Hendry en jetant un regard interrogateur à son cousin avant de replonger dans sa lecture.
Pàl se leva aussi brusquement qu'il s'était assis et ressortit sans ajouter un mot. Si quelqu'un d'étranger au Clan s'en serait offusqué, Hendry, lui, ne s'en formalisa pas. Il avait l'habitude de ce genre d'attitude de la part de son cousin. Il savait que Pàl n'était pas sciemment mal élevé. Il venait juste d'une époque où les relations sociales n'étaient pas gérées de la même manière. Il était resté la brute qu'il avait toujours été. Même si Hendry le regrettait parfois, notamment lorsqu'ils recevaient, il ne s'en plaignait pas, car cette propension à ne pas se conformer aux codes leur rendait souvent service. Et puis, il devait reconnaître que Pàl avait fait quelques progrès ces derniers siècles. Infime, certes, mais c'était mieux que rien.
Hendry McDonald soupira en refermant son livre dans un petit claquement sec. Il ignorait peu de choses concernant les affaires du Clan puisqu'il le dirigeait. Toutefois, il devait reconnaître que lorsqu'il s'agissait de Pàl, certaines zones d'ombres persistaient, notamment concernant ses amours. Il imagina donc cette Moïra Davidson fort amoureuse pour avoir le courage de défier le géant blond et appeler au manoir. Sans doute, Pàl avait-il tenté de rompre sans y parvenir. Cette conclusion fit sourire Hendry. Imaginer son cousin avec les mêmes soucis qu'un naturel sans envergure le lui rendait plus sympathique, plus humain.
Toutefois, un détail ne collait pas. Un détail qui ne cessait de tourner dans son esprit : La voix de Moïra, le ton qu'elle avait employé. Tout cela ne correspondait pas avec l'image qu'il se faisait d'une jeune femme énamourée. Quelque chose clochait et il devait en avoir le cœur net. Hendry se leva et, avec sa discrétion naturelle, il suivit son cousin.
Pàl s'était isolé dans un petit bureau réservé en temps normal aux invités. Il composa le numéro de la rouquine en se demandant ce qu'elle pouvait bien lui vouloir cette fois. La dernière fois qu'il l'avait vu, un an et demi plus tôt, elle avait exigé une amélioration de leur arrangement. Il l'avait trouvé culottée compte tenu des représailles potentielles qu'il aurait pu déclencher sans aucune difficulté. Puis il s'était souvenu qu'elle ignorait ce qu'il était réellement. Comme il avait besoin qu'elle reste dans le jeu, il s'était montré très obligeant.
D'autant que la démarche de Moïra n'avait pas été conduite par l'appât du gain, mais par une restriction des budgets alloués à son département de l'université d'Edimbourg. Il était donc devenu le généreux mécène de son équipe de recherche, lui facilitant l'installation d'un laboratoire sous la Morningside Parish Chruch pour la copie et l'étude d'une œuvre unique et mystérieuse. Une œuvre qu'il voulait garder à l'œil à défaut de pouvoir se l'approprier : Le Devolatus. Le livre était donc l'objet de toutes ses attentions. Elle lui en avait déjà fourni une copie d'une incroyable qualité mais ignorait tout des véritables objectifs de son généreux donateur.
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DEVOLATUS
Paranormal1957. Adela va mourir. Elle n'a pas 30 ans. Elle va laisser un mari qu'elle aime et une petite-fille qu'elle a promis de protéger. Elle est dévastée, mais n'a pas le temps de se perdre dans sa douleur. Le destin ou le sort en a décidé autrement. Par...