Chapitre 26 Protéger les siens

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1957, 16 avril

— Max ?

— Oui, ma chère ? Tu as besoin de quelque chose ?

— Non. Non. Tout va bien. Je suis contente que tu sois là. M'as-tu veillée toute la nuit ?

— Non, non, j'ai dormi dans le fauteuil.

— Tu devrais venir t'allonger. Tu dois avoir mal partout. Il n'a jamais été très confortable ce fauteuil, murmura Adela en souriant.

— Ça n'est pas grave. Tu as bien dormi ?

— Oui. Je me sens en forme. Je vais pouvoir ...

— J'ai réfléchi à ce que tu m'as dit. Je pense avoir une solution. Tu ne connais pas mon ami le Dr. Barrère. Il est à la tête d'une clinique réputée pour ses soins hauts de gamme et révolutionnaires. Je suis sûr qu'il va pouvoir t'aider. Nous...

— Max ! Les médecins que j'ai déjà consultés sont tous d'accord. Il n'y a rien à faire sinon atténuer la douleur. Il n'y a plus de nous Max. Je suis désolée. Je vais partir. Tu ne peux rien contre ça.

— Bien sûr que si ! Je t'aime ! Tu es ma femme ! s'exclama-t-il avec une certaine dureté.

— Moi aussi, je t'aime, Maximilien. Mais je comprends mon erreur maintenant que j'ai l'esprit un peu plus clair. Je n'aurais pas dû revenir. J'ai été égoïste et je m'en excuse. Je voulais tellement te dire au-revoir. Je ne voulais pas que nos adieux soient aussi tragiques. Je n'ai réussi qu'à te contrarier. Je suis vraiment désolée.

L'aube s'épanouissait à peine sur l'horizon quand Maximilien sortit sans bruit de la chambre. Il avait passé la nuit à réfléchir. Il ne voulait pas la perdre. Quoiqu'elle dise au sujet de sa maladie et surtout de son départ, il ne permettrait pas qu'elle disparaisse. Cette fois, il ne se contenterait pas de regarder sans intervenir. Il était convaincu, et la discussion qu'il venait d'avoir avec Adela le confortait dans sa décision.

Il s'empressa de rejoindre la bibliothèque dans la maison parfaitement silencieuse. Personne ne pouvait imaginer ce qu'il s'apprêtait à faire. L'appel qu'il passa ne dura pas plus d'un quart d'heure. Son interlocuteur avait pris le temps de lui expliquer les dangers de sa démarche et ses conséquences immédiates. Max avait attentivement écouté sans jamais remettre en cause sa résolution. Il était prêt à assumer ses responsabilités.

Brune avait failli se faire prendre. Elle avait pu se cacher juste à temps. Trop préoccupé, Maximilien n'avait pas remarqué sa porte entrouverte. Elle, par contre, avait vu ses cheveux en bataille, sa mine défaite et son air égaré. Cela lui fit peur. Elle hésita à poursuivre son plan.

La veille après leur arrivée, elle s'était endormie dans les bras de Paulina pour se réveiller au moment du souper. Dorlotée par Madeleine, elle n'avait pris conscience des tensions qui planaient dans la maison qu'au moment où elle avait demandé à voir Adela. Son grand-père avait alors été catégorique et froid. Il n'était pas question qu'elle fatigue la malade avec ses babillages d'enfant.

Brune avait été contrariée mais n'avait rien dit. Pas en présence de cet étranger dans la maison, car M. Muller avait réussi à se faire inviter par son grand-père. Elle trouvait cet homme dérangeant, inquiétant et ne souhaitait qu'une chose qu'il s'en aille et qu'il cesse de la regarder comme il le faisait, avec cet air curieux. Elle avait donc décidé de rejoindre sa chambre et de patienter jusqu'au matin.

Voyant l'état de son grand-père, elle redoutait un peu la colère que ne manquerait pas de soulever sa désobéissance. Pourtant, elle s'avança jusqu'à la porte d'Adela. Il fallait qu'elle lui parle. Il était même urgent qu'elle le fasse. Avant qu'elle ne parte. Avant qu'elle ne meure. Il fallait qu'elle sache que Brune avait changé, qu'elle n'était plus tout à fait la même. Et que ce changement l'effrayait un peu.

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