Chapitre 33 Pàl Skene

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1957, 19 avril (matin)

Adela promena son regard sur la pièce. Tout y était simple, fonctionnel, froid. À l'opposé du manoir. Cette maison manquait cruellement d'âme mais elle n'était pas conçue pour en avoir. Elle était un refuge, une simple halte avant de trouver mieux. Une première marche avant d'atteindre leur foyer véritable.

Hendry lui avait expliqué la veille qu'il avait contacté quelqu'un pour préparer leur prochaine étape. Ils ne resteraient pas ici. Les diogonos avaient décidé qu'il serait dangereux de rester au même endroit trop longtemps. Ils avaient activé leur réseau pour finaliser les quelques séjours qu'ils comptaient faire en divers endroits du pays.

Naïvement, Adela avait demandé la raison pour laquelle, ils ne quittaient pas l'île, tout simplement. C'est Pàl qui lui avait répondu. Cette terre était aussi la leur. Ils avaient déjà combattu pour y demeurer, ils ne l'abandonneraient pas aux sorciers. Encore moins, sachant qu'Aloïs Walsh était parmi eux. La jeune femme trouvait cette posture stupide face à la situation mais elle n'avait pas droit au chapitre. Depuis qu'ils étaient arrivés ici, Pàl ne lui parlait presque pas et disparaissait durant de longs moments.

Adela se retrouvait donc seule avec Hendry. Elle ne perdait pas au change, car le diogonos était beaucoup plus civilisé et aimable que son compagnon d'arme. Elle l'appréciait, même si elle ne pourrait probablement jamais effacer de sa mémoire le spectacle de ses victimes suppliciées.

La jeune femme s'avança jusqu'à la table du salon sur laquelle était posé le coffret contenant le Devolatus. Avant même d'envisager de l'ouvrir, elle attrapa plusieurs cachets du tube qu'elle gardait toujours sur elle. Pour l'avoir déjà expérimenté, elle savait que les médicaments ne lui feraient pas autant d'effet que le pouvoir de Gita, mais elle n'avait pas d'autres solutions. Hendry lui avait expliqué que le pouvoir de guérison ou d'apaisement était rare parmi les diogonos. En cela, la mort de Gita était une double tragédie. Elle les privait d'une amie, d'une compagne, et d'un élément précieux au clan.

Adela s'installa confortablement dans le fauteuil qu'on avait mis à sa disposition devant la table, et ouvrit l'objet de sa torture. Hendry qui était apparu silencieusement derrière elle, s'assit dans un fauteuil suffisamment proche pour écrire sous sa dictée. Ils avaient convenu que ce serait plus pratique. Lui pouvait écrire très vite et elle se fatiguerait moins.

L'avant veille, ils avaient feuilleté le livre en découvrant les pages de titre, marquant avec des papiers ce qui semblait être des chapitres. Ils avaient noté les différentes écritures, les différentes textures et supports, les enluminures et les notes en marge. Ils avaient également étudié attentivement la reliure. Tout était déjà soigneusement reporté dans le registre que tenait Hendry sur ses genoux.

La veille, ils s'étaient penchés sur le premier document contenu dans le livre. Il s'agissait d'un texte en latin non crypté ajouté tardivement au Devolatus, sans doute quelques siècles après l'enchantement créé par ses gardiens. Sans grand intérêt historique, il avait été écrit par un moine et devait décrire, selon ses dires, un événement qui avait bouleversé sa vie. Pourtant, le récit était assez monotone et ne relatait qu'une rencontre. Hendry avait cherché un moment à y découvrir un sens caché, sans résultat. Il supposa alors qu'une partie du texte manquait. Ne trouvant aucun autre indice, ils avaient décidé de passer à la suite le matin même.

Il fallait toujours plusieurs heures à Adela pour récupérer de ses séances de lecture. Les sortilèges qui la torturaient étaient particulièrement agressifs et ne lui laissaient aucun répit. Heureusement, elle ne manquait plus de cachets.

Elle tourna la couverture en réprimant un frisson au moment où Pàl entrait à son tour dans la pièce sans dire un mot.

– Ah, j'allais oublier. Il faudrait que vous tentiez de sortir le livret concernant le récit du moine. Est-il solidement attaché au reste ? Fait-il partie de la reliure ? À priori non, puisqu'il a été rajouté tardivement, dit alors Hendry.

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