Chapitre 50 Subterfuge

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1957, 25 avril

Sargon fixait Pàl qui finissait son discours devant l'assemblée. Il ne pouvait nier qu'il avait du courage. Venir le défier ainsi, sur son fief, en sachant qu'il pouvait, s'il le voulait, retourner tous les occupants de cette pièce contre lui, ne manquait pas de panache. Pourtant, Sargon ne comptait pas faire preuve de clémence à son égard. Même s'il lui avait amené une autre partie de la transcription du Devolatus, ça n'est pas ce qu'il lui avait demandé.

Le Clan McDonald avait fait l'erreur de penser qu'il avait encore les moyens de s'opposer à la Confrérie. Sargon allait le leur rappeler. Si l'assemblée avait un rôle à jouer ici, ce ne serait pas celui de libérateur mais de punisseur.

Varna sentit l'atmosphère changer de manière brutale. Une vague de mécontentement s'éleva et submergea l'assemblée. Elle la reçut de plein fouet alors qu'elle était pourtant à l'extérieur du bâtiment. Sargon ne laissait rien au hasard. Le plan de Pàl était une pure folie.

Elle eut le temps de voir le diogonos aux prises avec deux gardes de Sargon et un loup. Il ne leur échapperait pas. C'était donc à elle d'agir et rapidement. La diversion ne durerait qu'un temps. Elle s'éleva dans les airs, environnée d'orage et de tempête. Elle avait déchaîné les cieux au moment de l'arrivée de Pàl dans Vaucluse, isolant le domaine et ses occupants.

Elle posa ses pieds sur l'herbe humide d'une petite pelouse soigneusement entretenue sur la partie haute de l'ancienne forteresse. Les carrés d'herbes médicinales battus par les vents se dévoilaient à chaque éclair dans le ciel. Varna courut rapidement jusqu'à la porte qui donnait sur la bâtisse. Elle était ouverte. Aucune raison de la fermer à clé. À moins de voler comme elle, il n'y avait aucun moyen de s'échapper par cette corniche.

Elle s'avança en laissant le battant ouvert sur l'orage. La pluie commença à imbiber le tapis qui recouvrait le sol. Le couloir était vide. Silencieux. Quatre portes fermées. Trois pièces vides. Une occupée. Varna sourit. Elle ne s'était pas trompée. Brune et Paulina étaient bien là.

Enchaînée au mur de la pièce, Paulina tentait de réprimer le tremblement qui la parcourait. Au sol près d'elle, un corps inanimé gisait, offert à son appétit. Voilà plusieurs jours que Sargon lui faisait livrer régulièrement une « victime consentante » pour qu'elle se nourrisse. Paulina refusait. Elle savait ce qu'essayait de faire le Maître de la Confrérie. Il voulait qu'elle montre son vrai visage à l'enfant. Il voulait qu'elle lui dévoile le monstre en elle. Les chaînes faisaient partie du spectacle. Bien qu'affamée, Paulina ne s'en serait jamais prise à Brune. Sargon le savait très bien.

La petite fille, malgré les recommandations du Maître des lieux, restait près de la diogonos pour lui montrer qu'elle avait confiance en elle. Brune n'avait pas peur de Paulina. Même dans l'état où elle se trouvait.

Elle dessinait un paysage sous les rayons du soleil sans s'inquiéter d'elle, ni du corps inanimé. Elle avait d'autres préoccupations en cet instant. L'orage, en premier lieu, dont elle entendait les grondements assourdis à travers les épais murs de la forteresse. La présence qu'elle sentait même de manière infime depuis bientôt quelques minutes, en second lieu. Elle était incapable de découvrir si elle était amicale ou non. Pourtant, elle était proche. Proche et immobile derrière la porte.

Brune se leva.

– Paulina ? Tu sais qui est derrière la porte ?

La diogonos était tellement affaiblie qu'elle eut du mal à se concentrer. Elle s'en voulait de ne pouvoir protéger l'enfant comme elle le souhaitait.

– Je ne... sais pas. Éloigne-toi...

Brune haussa les épaules et alla directement à la porte pour l'ouvrir.

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